lundi 26 mai 2008

Le marketing électoral de Barack Obama

La chanteuse Nicole Scherzinger apporte son soutien à l’association Rock The Vote qui milite pour l’inscription sur les listes électorales et le vote des jeunes. Lors de cette soirée de lancement d’un T-Shirt « Rock The Vote » à Beverly Hills le 13 novembre 2007, elle porte le badge « Obama For President ». Elle participe également au clip de Will I Am « Yes We Can ».



La victoire de Barack Obama dans les primaires démocrates ne doit rien au hasard. Annoncé comme perdant dès la première primaire, le momentum dont il a su bénéficier et exploiter a permis d’identifier le candidat démocrate au rêve américain, notamment par son parcours personnel et sa réussite. Candidat métis, le discours du sénateur de l’Illinois n’a cessé de le présenter comme le représentant de tous les Américains, non celui des Afro-Américains. Mais le thème central et volontaire de sa candidature bâti autour du changement ("Yes We Can Change") ne saurait suffire à expliquer ses victoires dans un grand nombre d’Etats et la durée de l’affrontement qui l’a opposé à sa rivale Hillary Clinton. Il s’est accompagné d’un marketing électoral défini par une équipe de campagne ingénieuse dirigée par David Axelrod.

Pour gagner une élection, chaque candidat doit moins concentrer ses efforts sur la mobilisation de son camp déjà acquise que sur la captation du vote des indécis. De plus, dans le cadre des primaires américaines, il s’agit de sonder l’opinion sur la popularité des candidats à l’investiture et de choisir le meilleur présidentiable. Barack Obama et son équipe ont donc déployé une stratégie électorale assez audacieuse visant à recueillir le maximum de suffrages auprès de publics diversifiés et aux intérêts non nécessairement communs : électeurs indépendants, femmes, jeunes, minorités. Candidat considéré comme issu des minorités, le jeune sénateur devait innover et rassembler le plus largement possible pour s’imposer comme un candidat crédible dans une Amérique encore marquée par les inégalités raciales.

Sans remettre en cause le discours et les qualités personnelles de Barack Obama, le marketing dynamique établi – reposant sur une représentation de la société comme somme de segments – explique peut-être le retard pris par sa rivale Hillary Clinton qui, sure de son expérience, aurait mené alors une campagne plus traditionnelle. Sans sous-évaluer le poids des cultures politiques traditionnelles, il convient d’observer une approche sociologique segmentée efficace au travers d’actions significatives et parfois quasi-inédites notamment en direction de la jeunesse américaine.



D’abord, pour le sénateur de l’Illinois, le vote féminin demeure plus difficile à mobiliser dans un pays où le lobbying féministe est puissant. La série télévisée The West Wing (A la Maison Blanche) en témoigne. Les scénaristes ont créée le personnage d’Amy Gardner, conseillère politique et féministe engagée, incarnée par Mary Louise Parker.

Si Barack Obama peut jouer de son charisme pour séduire le vote des femmes, il doit faire face au puissant lobbying féministe qui ne peut manquer l’occasion de voir une femme devenir présidente des Etats-Unis. Pendant cette campagne, il a montré sa présence à plusieurs reprises notamment à la veille du second Super Tuesday. Lors de l’émission Saturday Night Live précédent le scrutin, Tina Fey, comédienne féministe, prend à partie les femmes qui refusent de voter Hillary Clinton sous prétexte qu’elle est sévère et une sal*pe (bitch). Elle cite les nonnes catholiques austères qui l’ont si bien éduquée en insistant que les sal*pes sont les femmes qui accomplissent le plus dans le monde. Tina Fey ajoute enfin quel pays se refuserait l’opportunité d’avoir deux co-présidents qualifiés ?

Pendant la campagne de Pennsylvanie, le sénateur de l’Illinois a diffusé un clip mettant en scène les femmes de sa vie sur les chaînes de télévision, à quelques jours de la primaire dans cet Etat. La demi-sœur de M. Obama, Maya Soetoro-Ng, sa femme, Michelle, et sa grand-mère, Madelyn Dunham, qui a élevé avec son mari le jeune Barack Obama, soulignent dans cette vidéo d'une trentaine de secondes les qualités humaines du sénateur de l'Illinois. Face à l’enjeu crucial du scrutin (désigner définitivement le candidat démocrate), cette offensive envers le vote féminin disputé à Hillary Clinton illustre la nécessité de gagner les voix féminines pour l’emporter.

Par ailleurs, mi-mai, Barack Obama a reçu le soutien officiel reçu le soutien de Naral, la plus importante organisation de défense du droit à l'avortement aux Etats-Unis.



Ensuite, la mobilisation des minorités a été au cœur des préoccupations, dans la mesure où le Parti démocrate est leur représentant. Dans un premier, l’effort a été naturellement orienté vers les Afro Américains. Puis, à la veille du Super Tuesday, l’équipe d’Axelrod a commencé à rallier plus significativement les Hispaniques qui soutiennent Hillary Clinton, en mémoire de la politique dont ils ont bénéficié sous les mandats de son mari. L’enjeu avait son importance pour la suite des primaires, puisque parmi les nombreux Etats à gagner lors de ce scrutin, la Californie, Etat le plus peuplé avec une forte communauté de Latinos, était en lice.

Le clip We Are The One(s) Song souligne plus clairement cette orientation réaffirmée à la veille du Second Super Tuesday. Tout comme Yes We Can Song, la vidéo vise d’abord à faire connaître le nom d'Obama et inciter les (jeunes) Américains à voter pour lui. Mais par rapport au précédent titre, We Are The One(s) Song accorde une plus grande place aux Hispaniques (texte en Espagnol, présence de personnalités issues de la communauté hispanique), sans oublier les Afro Américains. Ainsi, les primaires du Texas et la conquête des voix hispaniques sont bien présentes dans les têtes des producteurs du clip lors de sa réalisation.

Si Barack Obama est parvenu tardivement à capter une partie du vote hispanique au cours de la campagne, les résultats doivent être nuancés. Le sénateur candidat a plutôt réussi à gagner les voix des jeunes hispaniques alors que sa percée auprès des générations adultes demeure plus difficile en raison du maintien de leur fidélité au camp Clinton. Les victoires précédentes le Super Tuesday ont donc incité l’équipe de campagne à élargir les bases sociologiques électorales de Barack Obama afin de maintenir le momentum.



Enfin, Axelrod et son équipe ont cherché à mobiliser les suffrages d’une autre catégorie d’Américains qui votent habituellement très peu mais dont l’importance peut s’avérer capitale pour décrocher la victoire : les jeunes.

Dans cette perspective, le soutien de nombreuses personnalités d’Hollywood et du showbiz en faveur du candidat Barack Obama s’est avéré crucial. Cette mobilisation repose sur une nouvelle génération de stars engagées politiquement suite à ces primaires dont l’influence auprès du public jeune est réelle. D’ailleurs, les figures les plus emblématiques apparaissent dans les vidéos des chansons signées Will I Am, du célèbre groupe des Black Eyes Peas. Parmis ces people capables d’attirer les jeunes, le sénateur de l’Illinois peut compter sur l’appui de Will Smith, Edward Newton, Matt Damon, Ben Affleck, Wyclef Jean, Scarlett Johansson, Jessica Alba, Anna David, Zoe Kravitz, Usher, Kerry Washington, Nicole Scherzinger...

Mieux, l’équipe de campagne a eu aussi recours à des techniques de communication audacieuses exploitées d’une manière inédite. Si le sénateur de l’Illinois n’est pas le premier candidat à enthousiasmer la jeunesse américaine et à solliciter leur participation dans la campagne, il semble avoir convaincu les jeunes de la nécessité de canaliser cette passion politique jusqu’au bureau de vote.

La candidature de Barack Obama a séduit de nombreux étudiants au point d’avoir suscité des groupes de soutien spontanés dans pratiquement tous les campus américains avant le lancement de la campagne. Une mobilisation s’opère sur Internet notamment à travers les réseaux sociaux MySpace et Facebook ou les sms des téléphones portables. Les numéros de portable sont enregistrés dans des bases de données et peuvent être ainsi plus facilement utilisés que ceux des téléphones fixes. Pour les équipes de campagne, les textos offrent un moyen personnel et rapide pour envoyer des consignes auprès des étudiants. Par exemple, le jour du scrutin, ils permettent de diffuser des messages ciblés indiquant l’adresse et les heures d’ouverture des bureaux ainsi qu’un numéro de téléphone pour toute forme de renseignement.



Cette mobilisation a été rendue possible par la mise en place d’une véritable machine électorale, surnommée The Movement (le Mouvement). Il s’agit d’un gigantesque réseau de volontaires et de professionnels chargé d’animer la campagne du candidat. Ce réseau est souvent comparé à une armée de volontaires qui quadrille l’ensemble des Etats américains. Son efficacité tient dans sa capacité à allier les outils de la téléphonie mobile et de l’Internet du sommet à la base. Son succès repose sur l’interactivité entre les réseaux et une campagne de proximité. Cette dernière a ainsi contribué à être présent et à emporter les nombreux caucus de ces primaires. En négligeant l'importance de ces élections par l'équipe d'Hillary Clinton, certains politologues comme David Karol expliquent en partie la défaite de l'ancienne First Lady .

Si le slogan Change - Yes We Can correspond aux attentes des Américains, Barack Obama a su convaincre mais aussi mobiliser autour de sa candidature. Un marketing électoral audacieux et progressivement élargi lui a permis de concurrencer et de distancier sa rivale Hillary Clinton dans la course à l’investiture démocrate. Cette communication politique a suscité un enthousiasme assez puissant tout en reposant sur une demande électorale. Elle témoigne des stratégies, des capacités d’analyse et des choix risqués de Barack Obama. Toutefois, pour conquérir la Maison Blanche, il reste au sénateur de l’Illinois à s’imposer auprès de certains publics notamment celui des cols bleus.

mercredi 21 mai 2008

Hillary Clinton : la fin d'un rêve par Charlotte Lepri

Par Charlotte Lepri, chercheuse à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). (IRIS, 13 mai 2008)

Depuis plusieurs jours aux Etats-Unis, une question est omniprésente : quand Hillary Clinton va-t-elle enfin admettre sa défaite et mettre fin à ces interminables primaires démocrates ?

Depuis plusieurs semaines déjà, le vent semble plus favorable à son concurrent Barack Obama, qui a réellement su créer la surprise en devenant rapidement un candidat crédible à la présidence des Etats-Unis face à une Hillary Clinton qui s’y préparait depuis plusieurs années et qui partait largement favorite. Aujourd’hui, peu nombreux sont ceux qui imaginent encore qu’Hillary puisse s’imposer dans la course à l’investiture démocrate.

Retour sur l’occasion manquée.

Accéder à la présidence des Etats-Unis est une ambition de longue date chez Hillary Clinton. Lorsque son mari devint Président, elle voulut s’investir activement au point de faire de l’ombre au Vice-Président, Al Gore. Toutefois, son échec de réforme du système de santé l’a conduite à plus de mesure dans son rôle de Première Dame. Sa candidature pour le Sénat dans l’Etat de New York fut une première étape pour s’imposer personnellement et se faire un « prénom » en politique. Ses deux mandats de sénatrice de l’Etat de New York, sa présence sur de nombreux dossiers importants (santé, éducation, puis plus tard, lorsque ses ambitions se feront de plus en plus présentes, environnement, défense et sécurité nationale), et son investissement personnel lui ont permis de devenir une personnalité incontournable du parti Démocrate ces dernières années.

La méthode d’Hillary est la même depuis des années : faire en sorte que sa candidature à la présidence des Etats-Unis, comme celle au Sénat auparavant, apparaisse comme une évidence aux yeux du parti, et des Américains.

Forte de son charisme, de son expérience, de sa capacité à lever des fonds et de son travail acharné, elle a su séduire les membres les plus influents du parti démocrate et se forger un réseau indispensable pour mener campagne.

De fait, lorsqu’elle se lança dans la course à l’investiture, Hillary considérait comme pratiquement acquise sa nomination comme candidate du parti démocrate. Elle avait d’ailleurs un nombre incroyable d’avantages dans cette course : elle était déjà connue du grand public, avait occupé des fonctions importantes, avait la machine du parti démocrate derrière elle pour la soutenir et était très préparée. Mais ces avantages se sont peu à peu évanouis, avec la percée d’un Barack Obama peu connu du grand public mais terriblement efficace. Il a en effet réussi à soulever une véritable dynamique populaire autour de sa candidature. Hillary a certes commis des erreurs durant sa campagne, mais elle s’est surtout trouvée face à un adversaire remarquable. Jeune, métis, éloquent, charismatique, atypique, Barack Obama s’est immiscé dans une partie qui semblait jouée d’avance. Dès lors, Hillary a dû changer de tactique, revoir son plan de campagne, gauchisant son discours et se préparant à une campagne plus dure et plus agressive que prévue.

Parmi les erreurs commises, Hillary Clinton a tout d’abord mal jaugé l’atmosphère de la campagne des Primaires. Selon un article du Time (1) , le thème majeur de la campagne a porté sur le changement, alors qu’Hillary Clinton a tout misé sur son expérience, son parcours à la Maison Blanche et son nom, au point d’apparaître comme une candidate « sortante » qui défendait un bilan. Ainsi, elle a dès le début de la campagne orienté son discours vers le centre, se positionnant pour l’élection générale de novembre.

En outre, Hillary a mal géré son staff de campagne, favorisant des conseillers loyaux et fidèles, tels que Mark Penn ou Patti Solis Doyle, plutôt que de vrais stratèges. Les démissions successives dans l’équipe de campagne d’Hillary Clinton a mis en lumière une certaine fébrilité au fur et à mesure que Barack Obama gagnait du terrain.

La percée de Barack Obama a elle-même était largement sous-estimée. Depuis le début, les membres de l’équipe de Clinton ont refusé de voir chez Obama autre chose qu’un engouement momentané. L’année 2008 devait être l’année d’Hillary. Elle s’y préparait depuis si longtemps que les victoires successives d’Obama ont été attribuées non pas à son mérite mais à son métissage (2) ou à la bienveillance des médias à son égard. C’est pourquoi Hillary n’a pris en considération la possible longueur de la campagne que très (trop ?) tardivement : elle pensait mettre très vite Obama hors jeu. Face à la persistance du phénomène Obama, l’équipe de Clinton s’est montrée plus agressive, cherchant à lancer de nombreuses polémiques sur le sénateur de l’Illinois telles que la question raciale, la polémique autour du Pasteur Wright, les dénonciations de plagiat, ainsi que les critiques répétées sur le manque expérience et l’élitisme d’Obama. Au final, Barack Obama a plutôt bien résisté aux nombreuses charges contre lui, ce qui mit en valeur sa capacité à dépasser les polémiques.

Au niveau financier, Hillary Clinton s’est largement appuyée sur la vieille méthode de collecte de fonds. L’argent étant le nerf de la guerre, Hillary a depuis au moins deux ans démarré son opération de collecte de fonds, organisant de nombreux dîners restreints avec les contributeurs les plus généreux du parti démocrate. Elle a favorisé les gros contributeurs (limités à 2300$) mais a oublié de financer sa campagne par le biais d’Internet, comme l’a fait Barack Obama, qui s’est retrouvé avec un véritable trésor de guerre grâce aux nombreuses petites donations de la part de particuliers. En outre, sa stratégie de collecte de fonds a été en parfait décalage avec l’atmosphère de la campagne, puisque Hillary, n’ayant pas anticipé la lutte acharnée avec son concurrent, avait choisi de privilégier des collectes de fonds pour l’élection générale.

Enfin, la personnalité même d’Hillary Clinton est devenu un obstacle dans la campagne : ce qu’Hillary redoute par dessus tout, c’est d’être perçue comme une « girouette ». « Elle ne veut rien faire ou dire qui puisse aller à l’encontre de l’idée qu’elle est sans faiblesse, et qu’elle agit toujours par conviction » (3) . Refusant de reconnaître ses erreurs pour ne pas donner une impression de faiblesse et de manque de détermination dont pourraient rapidement se servir ses adversaires, elle est passée maître dans la réécriture de sa propre histoire, comme en témoignent la justification de son vote pour la Guerre en Irak en 2002 ou de sa visite dans les Balkans lorsqu’elle était Première Dame.

Une page reste encore à écrire dans ces fascinantes élections primaires : dans quelles conditions Hillary va-t-elle négocier son retrait de la course à l’investiture ? Plusieurs scénarios semblent aujourd’hui envisageables.

Le plus souhaitable pour le camp démocrate serait qu’elle renonce rapidement à prolonger la campagne et se range derrière Barack Obama. Un tel scénario pourrait avoir lieu après les Primaires en Virginie occidentale, Etat dans lequel Hillary Clinton est en tête dans les sondages et a toutes les chances de l’emporter, ce qui lui permettrait de se retirer honorablement après une victoire.

Un scénario plus problématique serait de voir Hillary continuer sa campagne tant qu’elle n’est pas sûre d’avoir perdu. Cela conduirait le camp démocrate à poursuivre la campagne jusqu’à la Convention nationale du parti en août prochain à Denver. Dans cette optique, Hillary pourrait continuer à faire pression pour que les primaires en Floride et au Michigan, Etats où elle a l’avantage, soit comptabilisées, et à mettre en avant le fait qu’elle est la meilleure chance pour le parti démocrate de battre John McCain en novembre.

Un troisième scénario serait l’abandon d’Hillary faute d’argent. Elle est déjà en train de s’endetter personnellement pour continuer sa campagne.

Un dernier scénario serait une fin de campagne programmée pour juin (échéance d’ailleurs fixée par Howard Dean, le Président du parti démocrate). Si Hillary a officiellement décidé de « rester jusqu’à ce qu’il y ait un nominé », le mouvement actuel des super-délégués vers Obama pourrait accélérer son retrait de la course.

Une dernière question reste en suspens : Hillary Clinton sera-t-elle tenue comme responsable de l’échec des Démocrates si John McCain l’emporte en novembre prochain ?

1 Karen Tumulty, “The Five mistakes Clinton made”, Time, 8 mai 2008, http://www.time.com/time/politics/article/0,8599,1738331,00.html

2 Voir la polémique suite aux propos de Geraldine Ferraro, proche conseillère d’Hillary Clinton : " Si Obama était un blanc, il ne serait pas dans cette position ".

3 Interview d’un conseiller d’Hillary Clinton citée par Jeff Gerth et Don Van Natta, Hillary Clinton, Histoire d’une ambition, JC Lattès, p. 429.


Source : http://www.iris-france.org/Tribunes-2008-05-13a.php3

lundi 19 mai 2008

Dimitri From Paris & la french touch


Dimitri From Paris Une very stylish fille (extrait de l’album Sacrebleu, 1996)


Dimitri From Paris (DFP) est un acteur majeur de la french touch, terme désignant la musique électronique française dans sa capacité à innover et à créer. Techno, house, trance, garage… les artistes prodiges de la french touch mêlent les genres, qu’ils mixent dans les clubs, s’essayent à la production ou composent leurs propres albums. Parfois méconnus en France, ils sont devenus de véritables porte-parole à l’étranger, remplissant les lieux les plus à la mode de la planète grâce à un son universel et à des tubes souvent en anglais. Symboles d’une certaine " classe " à la française, stars de l’ombre ou meilleurs amis des VIP, ces maestros de la musique électronique hexagonale ont permis de faire connaître un courant jusque-là réservé à des initiés.

Parallèlement au développement d'une société des loisirs, ce mouvement musical et artistique prend véritablement son essor en 1995 avec la sortie de l’album Boulevard de Saint Germain, au son acid jazz et house minimale, encensé par la presse britannique. L’année suivante, Daft Punk internationalise la renommée de la french touch avec la sortie de l’album Homework (1997) au son électro-rock saturé et entêtant. Avançant toujours masqués (ils n’ont jamais montré leur visage), ils ont su, par leur rareté, construire un véritable mythe autour de leur musique. Leur premier album Homework reste le plus gros succès mondial de la musique électro hexagonale (2 millions d’exemplaires vendus à travers le monde). 1998 est souvent considérée comme l’apogée de la french touch avec le titre Music Sounds Better With You de Stardust.

Dans la foulée, de nombreux artistes participent à cette explosion : Etienne de Crécy, Cassius, Alex Gopher, Bob Sinclar, David Guetta, Dimitri From Paris…

En 1996, le single Sacré français fait connaître DFP. Ce morceau kitsch et léger donnant plutôt envie de danser au bord d’une piscine que dans une discothèque branchée de Londres est extrait de l’album Sacrebleu. Précédé d'une réputation excellente dans les pays anglo-saxons, Dimitri From Paris sort ce disque assez proche du easy-listening, style qui remet au goût du jour la musique d'ambiance des années 50-60. Le succès du titre Sacré Français permet de faire découvrir l’album Sacrebleu qui contribue au renouveau de la house et à la diffusion mondiale de la french touch. 90% des ventes de l’album sont réalisées aux Etats-Unis, au Royaume Uni et au Japon.

En 1999, DFP imagine à quoi pourrait ressembler une fête gigantesque dans la maison du fondateur du magazine Playboy, Hugh Hefner et sort l’album A Night At The Playboy Mansion. Le résultat est un mix/remix de tubes soul, disco & hip hop des années 1970-1980 auquel Hugh Hefner a donné son accord après écoute. Le succès immédiat conduit à la sortie de deux albums disco house inspirés des mêmes sources musicales : Disco Fever en 2000 et house After The Playboy Mansion en 2002. Trois succès mondiaux : presque 500 000 exemplaires vendus dans le monde.

L’année suivante, Dimitri From Paris sort son deuxième album Cruising Attitude (2003), d’abord au Japon, où il bénéficie d’une bonne côte de popularité, puis en France l’année suivante. Son activité de DJ consolide sa notoriété avec ses mixes dans les soirées house des plus grandes discothèques du monde. Elle marque sa discographie récente avec la sortie d’une série de mix : In The House (Defected, 2003), In The House Of Love (Defected, 2006), Cocktail Disco (Defected, 2007), Retourn To The Playboy Mansion (Defected, 2008)...

Le 17 février 2005, DFP, aux côtés de Cassius, est décoré des insignes de chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres par le Ministre de la Culture et de la Communication Renaud Donnedieu de Vabres.

French touch : terme désignant de façon privilégiée la House française, fondée sur un rythme House classique mais puisant son originalité dans l’utilisation de samples filtrés provenant majoritairement du Funk et du Disco.

Dimitri From Paris Sacré Français (extrait de l’album Sacrebleu, 1996)

Rome au cinéma

Audrey Hepburn dans Vacances romaines (1953)… Piazza di Spagna, la Trinité des Monts, décor baroque pour une pause gelati



Rome est, avec New York, Paris, une des villes les plus filmées au cinéma.

Le septième art a beaucoup contribué à la mise en place d’une image mentale universelle de Rome. Parmi les paysages romains les plus célèbres, peuvent être cités : l’escalier de la piazza di Spagna où Joe Bradley, un journaliste américain (Grégory Peck), rencontre la princesse Anne en fugue (Audrey Hepburn) dans Vacances romaines, la fontaine de Trevi, décor baroque accentuant la vie mondaine et parfois exubérante des stars et des paparazzi dans la Dolce Vita, plus récemment, le Colisée avec ses arches dans Gladiator de Ridley Scott, la piazza della Rotonda avec le Panthéon et ses terrasses propice aux rencontres amoureuses dans Ocean’s Twelve, et les ballades en Vespa de Nanni Moretti...

Le grand écran a ainsi participé activement à la définition et à la diffusion de paysages romains mondialement connus, en même temps porteurs des valeurs occidentales, souvent à travers le filtre de la société italienne. Ils diffusent également le mode de vie de la péninsule italienne, la dolce vita

Rome au cinéma : filmographie sélective

[1] Rome, ville ouverte, Roberto Rossellini (1944)

[2] Le voleur de bicyclette, Vittorio De Sica (1948)

[3] Vacances romaines, William Wyler (1953)

[4] Un Américain à Rome, Steno (1954)

[5] Ben Hur, William Wyler (1959)

[6] La dolce vita, Federico Fellini (1960)

[7] L’éclipse, Michelangelo Antonioni (1962)

[8] Mamma Roma, Pier Paolo Pasolini (1962)

[9] Les monstres, Dino Risi (1963)

[10] Fellini Roma, Federico Fellini (1972)

[11] Nous nous sommes tant aimés, Ettore Scola (1974)

[12] Affreux, sales et méchants, Ettore Scola (1976)

[13] Une journée particulière, Ettore Scola (1977)

[14] Les nouveaux monstres, Dino Risi (1978)

[15] La Terrasse, Ettore Scola (1980)

[16] Roma aeterna, Marcel Carnet (1983)

[17] Journal intime, Nanni Moretti (1993)

[18] Aprile, Nanni Moretti (1998)

[19] Gladiator, Ridley Scott (2000)

[20] Gente di Roma, Ettore Scola (2004)

[21] Ocean’s Twelve, Steven Soderbergh (2004)

[22] Manuele d’amore (Leçons d’amour à l’italienne), Giovanni Veronesi (2005)

[23] Romanzo Criminale, Michele Placido (2006)

lundi 12 mai 2008

Rome pendant les années de plomb

Le 9 mai 1978, Rome connaît l’une des pages les plus sombres de son histoire. Le corps d’Aldo Moro, ancien président du Conseil et artisan du compromis historique, est retrouvé sans vie après 55 jours de captivité dans le coffre d’une voiture, via Caetani, à mi chemin des sièges de la DC et du PCI. Images d'archives :

http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=DVC7808112201

Depuis la fin des années 1960, un mouvement social de grande ampleur secoue l’Italie. Dans ce contexte débute les années de plomb (fin des années soixante - début des années 1980), période où les luttes sociales se doublent d'une violence politique. La capitale de l'Italie est touchée par cette radicalisation extrême de la vie politique. L’affrontement entre l'extrême gauche et l'extrême droite est y particulièrement dur, le terrorisme marque longtemps la vie quotidienne. C'est à Rome que se déroule l'épisode le plus sanglant, symbole du climat de ces années de plomb : l'enlèvement d’Aldo Moro et son assassinat.

Juriste confirmé, professeur de droit à l'université « La Sapienza », ancien ministre, il est président du Conseil de cinq gouvernements de centre-gauche, de décembre 1963 à juin 1968, puis à nouveau de novembre 1974 à avril 1976. Mais jamais il ne parvient à diriger une coalition issue du Compromis historique. Il est un excellent médiateur, qui souhaite rapprocher son parti, la Démocratie Chrétienne (DC) du Parti Communiste (PCI). Sans une coalition entre les deux forces, le pays demeure ingouvernable.

Le 16 mars 1978, au lendemain des élections législatives, Aldo Moro se rend au Parlement, pour le débat d'investiture du nouveau chef de gouvernement, Giulio Andreotti. Doit être alors signé le « compromesso storico », un compromis historique qui accorde un droit de regard des communistes sur chaque action entreprise par le nouveau gouvernement.

Aldo Moro est accompagné par cinq gardes du corps. Le cortège arrive via Fani, un carrefour désert de Rome. Devant eux, une voiture freine brusquement. En surgissent des hommes déguisés dans des costumes de la compagnie aérienne Alitalia. Ils abattent les gardes du corps et emmènent le chef de la DC. Seuls deux témoins ont assisté à la scène qui n'a duré qu'une poignée de secondes. Leurs indications ne restent que très limitées.

Les ravisseurs attendent 48 heures avant de revendiquer leur acte. Il s'agit des Brigades Rouges, un groupe terroriste d'extrême gauche. Le samedi 18 mars, il laissent, dans une cabine téléphonique du centre de Rome, leur communiqué n°1 : Aldo Moro est détenu dans une « prison du peuple » et il sera jugé.

La police et l'armée mobilisent alors 30 000 hommes. Perquisitions, contrôles d'identités, barrages se multiplient mais les résultats sont nuls. Durant les 55 jours que va durer l'affaire Moro, ce sont les Brigades rouges qui mènent le jeu. Les terroristes alternent l'envoi de communiqués et les moments de silence. Des silences qui laissent la porte ouverte à toutes les hypothèses, brouillant ainsi les pistes de la police. Aldo Moro, la victime, va lui-même devenir acteur dans les prises de contact. Il écrit des lettres, beaucoup de lettres : au gouvernement, à sa famille et même au Pape. Il supplie l'Etat de répondre aux revendications des Brigades : à savoir, relâcher treize des leurs. Mais l'Etat doute de la véridicité de ces lettres. Pas la famille, qui réclame des négociations. En vain.

Le dernier communiqué des Brigades est daté du 5 mai 1978. La « conclusion » annonce une exécution prochaine. Le 9 mai, la police retrouve le corps d'Aldo Moro dans le coffre d'une voiture garée via Caetani. Le véhicule se trouve à égale distance du siège du parti communiste et de celui de la démocratie chrétienne… Dans l'après-midi, Francesco Cossiga, le ministre de l'Intérieur, donne sa démission. Les deux mois qui se sont écoulés ont démontré l'impuissance de sa police.

Le lendemain des funérailles d'Aldo Moro, sont organisées des élections partielles (il faut renouveler 816 conseillers municipaux). La démocratie chrétienne réalise alors son meilleur score jamais atteint. Plusieurs années après cet enlèvement, la lumière n'a jamais vraiment été faite sur les détails du rapt. Les procès, les interrogatoires se sont enchaînés. La veuve, Leonora Moro, a soutenu devant le juge que « ceux qui étaient aux différents postes de commande du gouvernement voulaient l'éliminer ».

Début février 2008, France 5 a diffusé un documentaire dans lequel, pour la toute première fois, est révélé officiellement que le gouvernement italien a sacrifié l'ancien premier ministre, séquestré par les Brigades rouges en 1978 (H. Artus). Chronique de la défaite des Brigades Rouges -empêtrées dans leur propre logique- autant que du tournant fatal de la crise italienne, le film d’Amara éclaire la seule ombre qui restait autour de la mort d’Aldo Moro.

Extraits de Les Derniers jours d’Aldo Moro documentaire d’Emmanuel Amara.

Bibliographie :

ATTAL F., Histoire de l’Italie de 1943 à nos jours, Paris, A. Colin, 1995.

BRICE C., Histoire de Rome et des Romains de Napoléon Ier à nos jours, Paris, Perrin, 2007.

Liens internet :

« Aldo Moro » in Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Aldo_Moro

ARTUS H., « Pourquoi le pouvoir italien a lâché Aldo Moro ? » in Rue89, 6 février 2008 : http://www.rue89.com/cabinet-de-lecture/pourquoi-le-pouvoir-italien-a-lache-aldo-moro-execute-en-1978

Documentaire :

Les Derniers jours d’Aldo Moro documentaire d’Emmanuel Amara (Sunset presse / France 5) - samedi 9 février 2008 à 13h55 - France 5.

mercredi 7 mai 2008

West Wing 2008 : Les parodies

Empire Strikes Barack

« Dans la longue histoire du monde, seules quelques générations se sont vues accorder le rôle de défendre la liberté à un moment de danger maximum…. C’est le choix que notre nation doit faire… »

Voici un résumé des primaires démocrates dans sa version revisitée L’empire contre attaque (Empire Strikes Back)… réalisée par des partisans du sénateur de l’Illinois. Le duel Barack Obama – Hillary Clinton est comparé à l’affrontement entre le Bien et le Mal, entre le côté clair de la Force (Barack Obama) et le côté obscur (Hillary Clinton). Michelle Obama, l’épouse du candidat, est la princesse Leia, le sénateur Bill Richardson, qui a apporté son soutien à Obama, est Yan Solo, le contrebandier qui se bat aux côtés de Luke Skywalker. L’époux d’Hillary, l’ex-président Bill Clinton, et le président Abraham Lincoln, assassiné en 1865, font également de furtives apparitions, le premier en Palpatine, le second en jedi. Empire Strikes Barack montre les moments forts de la campagne : les résultats des scrutins post super Tuesday, les deux clips de la campagne négative d’Hillary Clinton, la gaffe de l’ex first lady à propos de sa visite en Bosnie, le pasteur Wright, les positions différentes des candidats sur les armes à feu et l’Iran…

McBain For America

Les Simpsons parodient John McCain : McBain For America. Le célèbre « action héro » de la série télé des Simpsons McBain s’inspire de plusieurs acteurs : Arnold Schwarzenegger (la carrure et l’accent), Bruce Willis (McBain rime avec McClane, le héros de Die Hard) et Clint Eastwood (Dirty Harry). Ce clip parodie une publicité de John McCain, présentée dans le post “Fin du momentum démocrate ?” (30 mars 2008). L’identification entre la caricature de l’action man McBain et le candidat républicain John McCain, soutenu par Sylverster Stallone et Arnold Schwarzenegger, fonctionne efficacement.

Clinton Family

En cliquant sur le lien, découvrez un clip comparant la famille Clinton à la famille Adams !!!

http://fr.youtube.com/watch?v=GFxYfMKifkc

La vidéo a été réalisée pendant la campagne du New Hampshire au début des primaires par Step On Me 2008 qui a interrogé tous les candidats sur les nécessités de soutenir la création de 300 emplois dans le monde des start-ups. Le désintérêt des candidats sur la question a encouragé Step On Me 2008 à produire une série de clips pour chacun d’eux… Le meilleur reste celui consacré la famille Clinton !!!

« Ils sont effrayants, ils sont bizarres
Mystérieux et fantomatiques,
Ils sont tous répugnants…
La famille Clinton !!!

Leur maison est un musée
Que Barbara Streisand vient visiter,
ils ne sont qu’un cri…
La famille Clinton !!!

Trouve une cape de sorcière,
Un balais à grimper,
Nous allons appeler…
La famille Clinton !!! »

"Il faudrait un miracle pour qu'Hillary Clinton l'emporte" André Kaspi







"Il faudrait un miracle pour que Clinton gagne" - Le Figaro

"Il faudrait un miracle pour que Clinton gagne" - Le Figaro
<p>André Kaspi, spécialiste des Etats-Unis, et Pierre Rousselin, directeur adjoint de la rédaction du Figaro, analysent les résultats de la primaire démocrate, en Pennsylvanie.</p>

"Obama incarne le rêve américain" Ted Stanger






5 questions à Ted Stanger - Le Figaro
5 questions à Ted Stanger - Le Figaro

5 questions à Ted Stanger - Le Figaro
<p>Ted Stanger est journaliste américain et auteur de &quot;Sacrée Maison-Blanche&quot; (Michalon).</p>

Obama For President

Crédits photo AFP

mardi 6 mai 2008

Et si tout se jouait en Indiana ? par Charlotte Lepri

Par Charlotte Lepri, chercheuse à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) - IRIS, 5 mai 2008.

Ce sont des primaires hors normes.

Depuis plusieurs mois, chaque primaire dans le moindre Etat de l’Amérique est scrutée avec la plus grande attention. A chaque fois, le moment est présenté comme décisif.

Après la Pennsylvanie, c’est au tour de l’Indiana de focaliser toutes les attentions et tous les regards dans ces interminables primaires démocrates. Moment furtif de gloire pour ces Etats qui habituellement avaient très peu de poids dans les primaires, et qui venaient souvent confirmer la tendance définie par les premiers Etats votant, tels que l’Iowa ou le New Hampshire. En effet, les Primaires n’ont jamais été faites pour choisir jusqu’au bout le futur candidat. Habituellement, l’issue est connue dès le début du printemps. Les Primaires sont avant tout un moyen de tester la popularité des différents candidats, leur capacité à mener une campagne et à incarner le rôle de Président. Au fur et à mesure, les candidats les moins populaires sont amenés à se retirer, et choisissent pour la plupart de rallier un autre candidat. Généralement, deux ou trois défaites successives suffisent à briser la dynamique d'un candidat et deux ou trois victoires décisives permettent de faire émerger le futur représentant du parti à l’élection.

De même, les Conventions nationales des deux partis, qui cette année se tiendront fin août pour les Démocrates et début septembre pour les Républicains, ont pour principaux objectifs d'approuver le programme politique du parti et d'accepter le choix du candidat et de son colistier. Ce sont avant tout des grandes messes politiques, qui ne sont pas faites pour choisir le candidat.

Si ces primaires sont hors normes, elles ne sont pas non plus tout à fait exceptionnelles. A d’autres périodes de l’histoire américaine, la bataille des primaires a été rude entre les candidats.

En 1964, le parti Républicain était déchiré entre conservateurs et modérés. La bataille des primaires opposa Barry Goldwater, représentant de la faction conservatrice, et Nelson Rockefeller, représentant de la faction modérée. Plus qu’un choix de candidat, il s’agissait de choisir la ligne du parti Républicain dans un pays alors secoué par la question des droits civiques et de la guerre du Vietnam, et à peine remis de l’assassinat de John F. Kennedy. Barry Goldwater ne s’imposa que lors des primaires du 2 juin en Californie. Le candidat démocrate, Lyndon Johnson, remporta l’élection avec une large avance.

Les élections de 1976, qui suivirent le scandale du Watergate et la démission de Richard Nixon, opposèrent dans le camp républicain le Président sortant, Gerald Ford, et Ronald Reagan, le leader populaire de l’aile conservatrice du parti. Le Parti Républicain fut très divisé par des primaires qui s’éternisaient et par un combat féroce entre Reagan et Ford, au point que le choix du candidat n’était toujours pas tranché au moment de la Convention nationale en juin. Ford fut finalement nommé, et perdit l’élection générale contre Jimmy Carter.

En 1984, Ronald Reagan, Président sortant, n'avait pas d'adversaire dans son parti. Aussi, tout s'est joué du côté démocrate entre Walter Mondale, l’ancien Vice-Président de Jimmy Carter et le favori des primaires, Jesse Jackson, le défenseur des droits civiques, et Gary Hart, qui se présentait comme un démocrate modéré et candidat du renouveau. Jesse Jackson se retira assez rapidement, mais Hart remporta des primaires décisives, le permettant d’émerger comme un sérieux concurrent à Mondale. La bataille entre les deux candidats fut âpre, et ne se termina qu’en juin, à quelques jours de la Convention, par la victoire de Walter Mondale. Ce dernier perdit l’élection face à Reagan.

Le point commun entre ces différents exemples est frappant : le parti qui est confronté à des primaires très disputées est défait lors de l’élection générale. S’il ne faut pas voir ici une situation inexorable, des primaires interminables sont souvent symptomatiques d’un véritable débat de fond quant à l’orientation à donner au parti ou la définition d’une ligne claire. Les débats entre les candidats sont souvent le reflet des profondes divisions entre militants et entre élus. Alors que la nécessité est plutôt de ressouder un parti qui se cherche, les divisions entre factions exacerbent les tensions entre les candidats durant les primaires.

En outre, de longues primaires sont pénalisantes pour la future équipe de campagne du candidat : le retard dans la mise en place de l’équipe en charge de la campagne générale, dans une campagne hautement médiatisée qui laisse peu de place à l’amateurisme et au manque de préparation, peut largement hypothéquer les chances de victoire du parti.

Enfin, les questions financières, qui sont d’une importance capitale, deviennent un enjeu de taille pour le parti qui, du fait des longues primaires, doit solliciter à de nombreuses reprises les donateurs. La prolongation du combat, souvent, comme on le voit actuellement, à coup de publicités négatives, épuise et lasse les donateurs.

La confrontation entre Hillary Clinton, candidate expérimentée issue de l’establishment washingtonnien, et Barack Obama, porte-drapeau d’une nouvelle génération politique, reflète la césure au sein du parti Démocrate. Au point que 30% des supporters d’Hillary refuseraient de voter pour Obama s’il était choisi, et 22% des supporters d’Obama refuseraient de voter pour Hillary.

Les prochaines primaires ne permettront pas de départager mathématiquement Barack Obama d’Hillary Clinton. L’objectif pour les deux candidats est aujourd’hui de montrer lequel des deux est le mieux placé pour battre John McCain en novembre prochain, afin de rallier à eux le plus grand nombre de superdélégués.

Les résultats de la plupart des prochains Etats amenés à tenir leurs primaires risquent de ne pas trop créer de surprise : la Caroline du Nord, l’Oregon, le Montana ou le Dakota du Sud sont plutôt donnés favorables à Barack Obama, tandis qu’Hillary Clinton est avantagée en Virginie Occidentale, au Kentucky ou à Puerto Rico. Le dernier Etat clé, où l’indécision est la plus grande, est l’Indiana. Hillary Clinton y était jusqu’à il y a peu donnée favorite, mais Barack Obama voit sa popularité grandir dans cet Etat du Midwest considéré comme un bastion conservateur, et rattrape ainsi son retard dans les sondages.

Une victoire d’Obama dans l’Indiana pourrait permettre de trouver une issue avant juin, date limite fixée par Howard Dean, président du parti Démocrate. Ce dernier, qui craint les effets dévastateurs pour le parti que pourrait avoir une campagne jusqu’en août, a décidé que l'un des deux candidats devra abandonner la course à l'investiture pour la présidentielle après les primaires de juin pour permettre d'unifier le parti et de remporter le scrutin de novembre.

La paradoxe, dans cette campagne réputée « imperdable » pour les démocrates suite à deux mandats d’un George W. Bush à la côte de popularité au plus bas, serait finalement de voir un parti avec deux excellents candidats perdre face au moins mauvais des candidats républicains.

Source : http://www.iris-france.org/Tribunes-2008-05-05.php3

vendredi 2 mai 2008

Les Romains optent pour l'alternance

Rome, place du Capitole : façade du palais sénatorial aujourd’hui la mairie de Rome et la statue équestre de Marc Aurèle (photographie personnelle, février 2003).


Si la victoire de la droite à Rome aux élections municipales de 2008 est un symbole assez fort, portant un coup dur au pari de recomposition de la gauche entrepris par l’ancien maire Walter Veltroni, elle n’en demeure pas moins un signe de bonne santé démocratique de la capitale italienne.

Le premier tour des élections administratives (élections municipales et provinciales) s’est superposé aux élections générales (députés et sénateurs) des 13-14 avril 2008 qui ont donné la victoire à la droite de Silvio Berlusconi. Le second tour des scrutins locaux s’est déroulé quinze jours après. Dans la Ville éternelle, le taux de participation du second tour de ces élections municipales s'est élevé seulement à 63% contre 73,5% au premier tour, selon l'agence Ansa. Les habitants de l’Urbs ont été nombreux à déserter la capitale à l'occasion d'un week-end ensoleillé.

A l’issue du scrutin, les Romains ont opté pour l’alternance à l’image des résultats des élections générales. Ils ont élu pour maire Gianni Alemanno offrant ainsi pour la première fois depuis l’instauration de l’élection au suffrage direct en 1993 le Capitole (c’est-à-dire la mairie) à la droite. La défaite est d’autant plus cuisante pour la gauche que les Romains semblent avoir ainsi désavoués leurs deux anciens maires Francesco Rutelli et Walter Veltroni.

La gauche romaine n’a pas su mobiliser son électorat déçu de l’alternance au niveau national et en raison du beau temps également. Il faut ajouter que le candidat en lice a déjà occupé le mandat de maire de Rome entre 1993 et 2001. Les Romains (vexés ?) n’ont peut-être pas voulu d’un maire capable d’abandonner une nouvelle fois son fauteuil pour des ambitions nationales. En effet, Francesco Rutelli, vice-premier ministre et ministre de la Culture dans le gouvernement sortant de Romano Prodi, a quitté sa fonction en 2001 pour conduire la campagne des élections générales de mars 2001 et porter les couleurs du centre gauche contre Silvio Berlusconi, tout comme Walter Veltroni, maire de Rome de 2001 jusqu’à sa démission en 2008 pour mener également la campagne de la gauche rassemblée autour du PD contre le PDL de Silvio Berlusconi aux élections générales d’avril.

Une question s’est peut-être posée aux habitants de la Ville éternelle : Francesco Rutelli pouvait-il faire mieux que lors de son précédent mandat ? Entre 1993 et 2001, il a mené une politique de relance de la capitale italienne, redorant son image au plan national. Une restauration du rapport de confiance entre les habitants et la mairie s’est progressivement opérée. Ancien écologiste, Francesco Rutelli a décidé de faire de Rome une vitrine pour le XXIe siècle. Un programme de lutte contre les problèmes de circulation, aujourd’hui partiellement résolu, a été établi. Les mesures phares ont été l’élargissement de la zone à trafic limité grâce à un contrôle électronique des entrées et des sorties qui a constitué une première européenne copiée ensuite par d’autres capitales, et une offre des transports renforcée et diversifiée (bus, tramways). Dans le contexte de l’organisation du jubilé de l’an 2000, l’Urbs s’est transformée en un immense chantier. La valorisation du patrimoine culturel (historique et artistique) a été une source de richesse et d’emplois. « La culture n’est plus seulement un héritage du passé, elle devient un facteur d’identité contemporaine » (Francesco Rutelli, 1999). Le nouveau dynamisme économique ne s’est d’ailleurs pas limité au seul secteur du tourisme (rapport Censis 2006). Ce renouveau de la capitale s’est prolongé sous son successeur Walter Veltroni.

Toutefois, l'insécurité a été, avec la crise du logement, le thème dominant des derniers jours de la campagne pour le second tour. Preuve que les préoccupations des Romains auraient évolué ces dernières années ? Depuis les années 1980, la capitale italienne est confrontée à des flux migratoires inédits, désormais en provenance majoritairement de l’étranger. En 2004, Ettore Scola réalise Gente di Roma et s’interroge sur les formes d’intégration et d’exclusion à Rome. Les rapports entre les Romains et les « extra-communautaires » (les étrangers) sont scrutés. Il en ressort que les Romains tolèrent assez bien ces communautés, non par intégration, mais par indifférence.

Augmentation de la proportion de la population immigrée, visibilité accrue dans la ville, mais évolution aussi dans la répartition des communautés présentes constituent une réalité à laquelle les habitants de la Ville éternelle sont confrontés dans une conjoncture de difficultés économiques et sociales. Les Roumains constituent désormais la première minorité (60 000 personnes, soit un tiers des immigrés romains [Brice, 2007]). Cette population roumaine est particulièrement visible en raison de la mendicité pratiquée par les enfants dans les rues.

L’actualité récente a ravivé certaines peurs. Deux viols commis entre les deux tours à Milan et à Rome pour lesquels sont poursuivis un Egyptien et un Roumain ont contribué à durcir la bataille opposant les deux candidats, la droite reprochant à la gauche son laxisme en matière de criminalité et d'immigration.

La droite a profité de ce contexte pour s’installer au Capitole. Le passé d’ancien membre militant postfaciste du nouveau maire, Gianni Alemanno, ancien ministre de l’agriculture sous Berlusconi II, ne menace en rien le fonctionnement de la démocratie à Rome. Toutefois, la récente déclaration du nouveau maire proposant d’armer la police municipale interroge sur la politique menée prochainement par la municipalité. La valorisation du patrimoine va-t-elle céder une partie de ses crédits face aux dépenses visant à la lutte contre l’insécurité ? La Fête internationale du Cinéma, véritable atout pour ancrer la Ville éternelle dans la mondialisation culturelle, n’est-elle pas menacée ? Sentiment renforcé suite à l’annonce de n’y présenter que des films italiens. Fille aînée du cinéphile Walter Veltroni, la Fête du cinéma a perdu son plus important défenseur à la tête du Capitole, d’autant que les nouvelles dates annoncées pour l’édition de 2008 la placent en concurrence directe avec les autres festivals mondiaux.

Bibliographie :

- BRICE C., Histoire de Rome et des Romains de Napoléon Ier à nos jours, Paris, Perrin, 2007.

- « La capitale de l’an 2000 », interview de Francesco Rutelli, in L’Histoire, n°234, juillet-août 1999, pp. 106-107.

Voir Post du 21 avril 2004 : Recompositions politiques en Italie.