mercredi 28 janvier 2009

Barack Obama veut "reconstruire l'Amérique"

En prêtant serment mardi 20 janvier 2009 à Washington, le candidat Obama est mort. Point de « Yes We Can » dans le discours d’investiture du 44e président des Etats-Unis, mais une sobriété de ton face aux défis à relever.

Barack Obama, un président pour les Etats-Unis

L’hypermédiatisation de cette journée d’investiture ne doit pas faire oublier que nous vivons à l’ère du numérique et de la communication. Le contexte explique davantage la résonnance mondiale d’un événement de portée nationale : l’entrée en fonction du président des Etats-Unis. L’image forte et le charisme exceptionnel du sénateur de l’Illinois donnent un écho particulier à cette élection organisée dans une période de crise aux Etats-Unis et dans un temps de troubles pour le Monde qui attend un signal fort des USA, à tel point que nous avions présenté Barack Obama comme un candidat de la mondialisation.

Il demeure que cette journée est historique à plus d’un titre. D’abord, elle consacre l’élection d’un métis à la tête de l’exécutif américain. Qui plus est, par son histoire, le premier personnage de l’Etat incarne le rêve américain. Puis, elle accompagne l’alternance démocratique au regard des résultats aux différents scrutins : un président démocrate succède à un président républicain. Enfin, elle clôt un cycle politique, celui de la révolution reaganienne entamé au début des années 1980.

L’unité retrouvée

Au risque de décevoir les supporters étrangers du candidat Obama, le nouveau président des Etats-Unis a prononcé un discours très politique dans lequel il rappelle à ses concitoyens et au reste du Monde qu’il n’accède pas à une présidence mondiale, mais bien à la magistrature suprême de l’Amérique, au service des Américains.

Dans ce discours, les références à deux textes fondateurs de la démocratie américaine, la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776 et le discours de Gettysburg prononcé par Abraham Lincoln le 19 novembre 1863, témoignent la volonté du 44e président d’apparaître comme le restaurateur d’une unité perdue, notamment avec la guerre en Irak, et d’inscrire son action dans une continuité : America Is Back (pour plagier le slogan de Ronald Reagan en 1980).

A ses yeux, il convient alors de « reconstruire l’Amérique » en renouant avec les valeurs communes qui ont réuni les Américains et qui ont été le ciment du développement de leur nation. Leur oubli durant les dernières années explique la situation de crise actuelle du pays. « Le temps est venu de réaffirmer la force de notre caractère, de choisir la meilleure part de notre histoire, de porter ce précieux don, cette noble idée transmise de génération en génération: la promesse de Dieu que nous sommes tous égaux, tous libres et que nous méritons tous la chance de prétendre à une pleine mesure de bonheur. » (ici référence implicite à la Déclaration d’indépendance).

C’est aussi poursuivre la construction de la jeune nation américaine. Par les mots employés, le discours de Gettysburg rendant hommage au sacrifice de milliers de citoyens qui se sont battus pour défendre ces valeurs retentit dans les paroles prononcées : « Pour nous, ils se sont battus et sont morts dans des lieux comme Concord et Gettysburg, en Normandie ou à Khe-Sanh (Vietnam, ndlr). A maintes reprises ces hommes et ces femmes se sont battus, se sont sacrifiés, ont travaillé à s'en user les mains afin que nous puissions mener une vie meilleure. » Barack Obama entend revivifier le rêve américain.

Réconstruire la puissance américaine

Le nouveau président a donc dessiné les grandes lignes de sa présidence, n’hésitant pas à critiquer la politique de son prédécesseur.

1. Relancer l’économie américaine, action qui devrait occuper en priorité le début de mandat : « nous agirons - non seulement pour créer de nouveaux emplois mais pour jeter les fondations d'une nouvelle croissance. ».

2. Fonder une société plus juste : « La question aujourd'hui n'est pas de savoir si notre gouvernement est trop gros ou trop petit, mais s'il fonctionne - s'il aide les familles à trouver des emplois avec un salaire décent, à accéder à des soins qu'ils peuvent se permettre et à une retraite digne. »

3. Rétablir le leadership américain dans les relations internationales et redorer l’image des USA dans le Monde: « Nous réaffirmons la grandeur de notre nation en sachant que la grandeur n'est jamais donnée mais se mérite. ».

Avec réalisme, et pour prévenir des éventuelles désillusions à venir, le Président a rappelé l’ampleur de la mission à mener : « les défis auxquels nous faisons face sont réels. Ils sont importants et nombreux. Nous ne pourrons les relever facilement ni rapidement. Mais, sache le, Amérique, nous le relèverons. » Déterminé, son discours conclut avec des paroles de George Washington, le premier président des Etats-Unis : « Qu'il soit dit au monde du futur, qu'au milieu de l'hiver, quand seul l'espoir et la vertu pouvaient survivre, que la ville et le pays, face à un danger commun, (y) ont répondu ».

mercredi 21 janvier 2009

UMP : Horizon 2012 (2/2)

Second volet de notre analyse des enjeux liés aux récents changements à la tête de l’UMP. Article publié sur contre-feux.com http://www.contre-feux.com/politique/ump-horizon-2012-22.php

Avec la nomination de Patrick Devedjian au gouvernement et la promotion de Xavier Bertrand à l'UMP, Nicolas Sarkozy marque son retour dans la vie politique intérieure. La reprise en main présidentielle et la volonté de construire l’avenir de l’UMP qui s’opèrent dans une conjoncture spécifique ont été présentées dans un précédent article. Deux autres enjeux doivent encore attirer notre attention.

Neutraliser les ambitions de Jean-François Copé

Pour l’heure, la nouvelle organisation de l'UMP permet au chef de l'Etat d'organiser la confrontation entre les trois pôles fondamentaux du pouvoir que sont le parti, le groupe à l'Assemblée nationale et le gouvernement et de permettre l'irruption de personnalités mal connues du grand public mais qui ont vocation à vite devenir de solides poids lourds de la majorité.

Ces grandes manœuvres ne sont pas innocentes. Elles cherchent certainement à assurer le maintien du camp sarkozyste à la tête de l’UMP en 2017. Si la limitation à deux mandats présidentiels inscrite désormais dans la Constitution permet de taire les divisions, la guerre des chefs risque de ressurgir au cours du deuxième éventuel et probable quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Le principal clivage rival au camp sarkozyste prend chaire en Jean-François Copé qui, à la tête du groupe parlementaire, se positionne au sein du parti et commence à rassembler autour de sa personne. Ce dernier n’a-t-il pas créé un club « Génération France » dans cette perspective ? Le maire de Meaux multiplie les antennes en province et assure qu'une bonne quarantaine de députés l'ont déjà rejoint. Jean-François Copé fait le pari de l'impossibilité pour l'UMP de se ressourcer et cherche à se rendre incontournable à l'extérieur du dispositif Sarkozy. Aussi, le retour de Xavier Bertrand sur les bancs de l’Assemblée nationale risque de neutraliser partiellement ses projets. En effet, l’ancien ministre du Travail fait le pari inverse du président du groupe UMP au palais Bourbon, cherchant à se rendre indispensable à Sarkozy à l'intérieur de son système. « Il faut montrer que l'UMP n'est pas le parti républicain ou démocrate à l'américaine qui ne s'intéresse qu'à la présidentielle », expliquait récemment celui qui a parfaitement compris ce que le Président attend : une pacification et une remise en état de marche de l'UMP.

Patrick Devedjian se targue d'avoir réussi à faire passer l'UMP d'«un parti de conquête du pouvoir, qui a parfaitement atteint son objectif avec l'élection de Nicolas Sarkozy» à «un parti de soutien aux réformes. Cette mutation pas très facile à faire, je crois qu'elle est faite». L’arrivée de Xavier Bertrand correspond à une période nouvelle pour l’UMP, imposée par la crise économique, avec pour perspective les prochains scrutins européen et régional à court terme, et présidentiel à moyen terme. Le nouveau secrétaire devra donc gérer à la fois les résultats électoraux et les courants tout en préparant 2012.

Vers une nouvelle culture politique à droite ?

Si Nicolas Sarkozy semble bousculer la culture politique à droite, cette observation mérite d’être nuancée. C’est dans la forme plus que dans le fond que les changements sont réels. Sur ce point, l’excellente thèse sur les mouvements gaullistes de 1958 à 1976 soutenue par Jérôme Pozzi (1) le 6 décembre 2008 à l’Université de Nancy 2 est assez éclairante.

Ainsi, le jeune historien rappelle que l’UNR (1958-1968) et l’UDR (juin 1968-1976) sont les partis du président. La culture gaulliste fait que le mouvement politique calque son fonctionnement sur le système institutionnel de la Ve République avec pour conséquence le refus d’une présidence du mouvement gaulliste au profit d’un poste de secrétaire général. Même si le secrétaire général est élu par les membres du comité central, la décision se prend en amont dans le bureau du chef de l’Etat (De Gaulle, puis Pompidou) qui est en fait le véritable président du parti. Par ailleurs, la vitalité du parti correspond aux campagnes présidentielles rarement pendant le septennat. Cette organisation partidaire possède à la fois ses avantages (efficacité, discipline, évite les courants et divisions, groupe parlementaire important) et ses inconvénients (difficultés à renouveler les idées et les hommes, démocratie interne très limitée). Les partis post-gaullisme, le RPR puis l’UMP, rassemblant gaullistes et libéraux, ont hérité de cette culture qui a marqué l’histoire des partis de droite sous la Ve République.

Nicolas Sarkozy tenterait-il de rompre avec cette culture ? Contrairement à ses prédécesseurs, l’ancien maire de Neuilly demeure président de l’UMP tout en exerçant sa fonction de chef d’Etat. Sa politique d’ouverture gouvernementale a remis en cause des idées établies. Mais quelles étaient ses intentions initiales ? Importer de la démocratie américaine la pratique bipartisane de gestion des affaires ou déstabiliser l’opposition en offrant à des élus socialistes des sièges au gouvernement ? Ou simplement briser les éventuelles oppositions venues de son camp ?

A l’UMP, l’arrivée de Xavier Bertrand est certes censée redynamiser le parti à la veille des scrutins européen et régional. Surtout, cette relance inédite à mi-mandat s’inscrit aussi dans le choix d’ouvrir un débat idéologique au sein du parti afin de dégager un programme pour les prochaines élections présidentielles. La crise économique réoriente la politique du gouvernement forçant le parti à réadapter son discours.

Toutefois, la continuité semble plutôt l’emporter. Ces changements à la tête de l’UMP traduisent la volonté de préparer la prochaine échéance présidentielle. Malgré la crise économique qui ne favorise pas la droite, la victoire de l’UMP s’avère possible avec les divisions de la gauche. En fait, par ce jeu des chaises musicales à la tête de l’UMP, Nicolas Sarkozy a annoncé officieusement sa candidature pour 2012.

(1) Jérôme POZZI, Les mouvements gaullistes de 1958 à 1976 : la diversité d’une famille politique, réseaux, cultures et conflits, thèse sous la direction de Monsieur le Professeur Jean El Gammal, Université de Nancy 2, 2008, 4 volumes, 1473 pages.

vendredi 9 janvier 2009

UMP : Horizon 2012 (1/2)

Voici la première partie d’un article publié sur contre-feux.com

http://www.contre-feux.com/politique/ump-horizon-2012-12.php

Deuxième et dernier volet à paraître prochainement…

Avec la nomination de Patrick Devedjian au gouvernement et la promotion de Xavier Bertrand à l'UMP, Nicolas Sarkozy marque son retour dans la vie politique nationale avant même la fin de la présidence française de l'Union européenne. Quels sont les enjeux de ces changements à la tête de l’UMP ?

Le 5 décembre 2008, Nicolas Sarkozy a nommé Patrick Devedjian ministre chargé de l'exécution du plan de relance économique. A la tête de l'UMP depuis le 25 septembre 2007, cet avocat de formation, proche du chef de l’Etat, qui a déjà été plusieurs fois ministre, a démissionné de sa fonction de secrétaire général du parti présidentiel immédiatement après son entrée au gouvernement.

Le remplaçant du maire d’Antony sera désigné le 24 janvier à l'occasion d'un bureau politique. L'intérim sera notamment assuré par Xavier Bertrand, actuel ministre du Travail, pressenti comme successeur. Le député de l’Aisne quittera le gouvernement Fillon lors du remaniement prévu en janvier 2009. Quels sont les enjeux de ces changements à la tête de l’UMP qui affectent la composition du gouvernement ?

Un changement lié au contexte

D’abord, la crise économique mondiale contrarie les promesses du candidat Sarkozy. La politique volontariste de relance de la croissance ralentit le rythme des réformes. Pour les deux années à venir, la politique du gouvernement entre dans une phase nouvelle de gestion des affaires plus que de réformes (un deuxième plan de relance est envisagé) d’autant que les rapports sociaux commencent à se tendre par rapport au début du quinquennat (oppositions au départ à la retraite à 70 ans et au travail dominical, colère des lycéens…).

Puis, il faut prendre en compte l’élection mouvementée de Martine Aubry à la tête du Parti socialiste. Si la division socialiste reste d’actualité, il apparaît clairement que la maire de Lille va tenter de réveiller le PS tout en menant des chantiers difficiles (élaborer un programme et une stratégie de reconquête du pouvoir, rassembler tous les courants socialistes, scrutins européen et régional…). Dans cette perspective, il convient de remobiliser l’UMP face aux futures attaques du PS.

Enfin, le calendrier de l’action présidentielle arrive à un tournant en 2009. La France quitte la présidence de l’Union européenne à laquelle Nicolas Sarkozy a impulsé un dynamisme visible. Son retour sur la scène intérieure s’opère à mi-mandat interrogeant sur un éventuel remaniement ministériel capable de relancer la politique gouvernementale qui se concrétise avec les changements à la tête de l’UMP.

Une reprise en main très présidentielle

Le conseil national de l’UMP du 24 janvier, en présence de son véritable chef, Nicolas Sarkozy, devrait entériner la nouvelle direction de l’UMP. Cette dernière sera ainsi pilotée par deux proches du président de la République. Dans cette réorganisation, Xavier Bertrand assurera alors la direction fonctionnelle de l’UMP tandis que Brice Hortefeux devrait avoir la haute main sur les investitures.

Du coup, quelques modifications s’imposent dans le gouvernement François Fillon. Brice Hortefeux devrait quitter l'Immigration, où Éric Besson pourrait lui succéder, pour un ministère des Affaires sociales aux attributions plus étendues que l'actuel ministère du Travail de Xavier Bertrand. Ce dernier sera confirmé au poste de secrétaire général de l'UMP lors du conseil national. Toutefois, le calendrier exact de ces changements reste à confirmer.

Le nouveau numéro un par intérim de l’UMP, Xavier Bertrand, prend son poste dans un contexte difficile : préparer et gagner les élections européennes de 2009. Il a déjà commencé à mettre le parti en ordre de bataille, notamment en cherchant à recruter en nombre de nouveaux adhérents pour grossir les rangs du parti face un PS qui risque de devenir plus combattif. S’inspirant de la campagne de Barack Obama, et selon les idées établies lors de l’université d’été début septembre, l’outil internet est privilégié. S’il s’avère très difficile d’augmenter le nombre de militants à l’ancienne, faire participer davantage de personnes grâce à Internet s’impose comme la solution du moment. Aussi, depuis quelques mois, sous la houlette du député de l’Aisne, une task force de communicants travaille à une profonde refonte du site de l’UMP.

Aussi, pour limiter les ambitions de Xavier Bertrand à la tête du parti présidentiel, qui a rallié le camp sarkozyste seulement en décembre 2006, le Président de la République a confié la commission des investitures à un ami de trente ans, Brice Hortefeux, aux dépens du vieillissant et encombrant Jean-Claude Gaudin. Le ministre de l’Immigration prend ainsi davantage d’importance au sein de l’UMP, pouvant surveiller de près le secrétaire général, surtout s'il s'occupe des élections, voire des investitures.

Construire l’avenir

En installant à la tête du parti le tandem Bertrand-Hortefeux, le chef de l’Etat prouve qu’il respecte encore une fois ses engagements. Souvenons-nous qu’il avait promis «encore du changement, et beaucoup» au sein de l’UMP. Un effort devrait également porter sur le renouvellement générationnel des cadres du parti. Le mouvement a été lancé par Patrick Devedjian.

Lors des dernières élections des comités départementaux qui élisent le président de leur fédération, le taux de renouvellement des cadres intermédiaires du parti s’élève à plus de 50 % des sièges, laissant parfois la place à des jeunes, comme Romain Gryska, 20 ans, dans les Hautes-Alpes, ou Samia Soultani, 35 ans, en Mayenne. Toutefois, une nuance s’impose : un président de fédération sur trois seulement a changé cette année. Edouard Courtial, responsable des fédérations à l’UMP, s’en explique «C'est un poste où l'expérience compte énormément. Il y a tout de même davantage de femmes et de jeunes qu'auparavant

Il est intéressant de noter que cette vitalité vise à envisager l’avenir dans le long terme du parti de la majorité. Il s’agit de préparer la succession des anciens leaders, tels Jean-Claude Gaudin, Jean-Pierre Raffarin, ou encore Patrick Devedjian, tout comme l’arrivée de nouvelles figures comme Jean Sarkozy. Aussi, il sera intéressant d’observer dans quelle mesure ce renouvellement sera favorable au courant sarkozyste.