samedi 9 octobre 2010

L'autre visage de la guerre du Vietnam : combats et musique dans l'Amérique des Sixties (1/4)

La guerre du Vietnam a profondément marqué les Américains. La société s’est divisée autour de l’intervention des GIs dans ce conflit localisé de la Guerre froide. Pour les Etats-Unis, il s'agit d'appliquer la doctrine Truman et soutenir le Vietnam Sud contre le Vietcong soutenu par le Nord Vietnam communiste. Les combats ne se sont pas déroulés uniquement en Asie. Un autre combat à la fois pacifique et violent s’est joué aux Etats-Unis rassemblant les partisans de la paix dans une Amérique qui s’interroge face aux limites de sa puissance à partir du milieu des années 1960. Si l’expansion économique se poursuit, le doute remplace la confiance en raison du maintien des zones de pauvreté, de la ségrégation raciale, de l’enlisement américain au Vietnam révélé aux Américains avec les premiers reportages à la télévision en direct sur l’offensive du Têt (1968).

Les chansons de cette période rendent compte de cette scission sociale. Dans les années 1950, le modèle américain repose sur une croissance incroyable et se développe autour d’une société de consommation de masse et de loisirs qui, paradoxalement, favorisera dans les sixties le développement d’une contre-culture symbolisée par le mouvement hippie. Dans ce contexte des Trente Glorieuses naît la culture jeune qui se structure notamment autour du vêtement et de la musique (le vêtement et la musique sont aussi les vecteurs de la protestation). Hound Dog d’Elvis Presley (1956) marque la naissance du rock, désormais la musique de la génération des teenagers qui peut commencer à acheter ses premiers 45 tours avec l'apparition de l'argent de poche. Avec Surfin USA’ (1963), les Beach Boys s’imposent progressivement comme le premier groupe américain au milieu des années 1960. Leur musique insouciante est à l’image de la société. Entre temps, le mouvement des droits civiques et l’engagement américain au Vietnam engendrent un renouveau de la chanson de protestation puisant à la fois dans le rock et le folk. Bob Dylan compose Blowin In The Wind en 1962 qui devient l’archétype de la protest song. La société américaine se heurte désormais aux aspirations nouvelles d’une jeunesse née dans l’après-guerre qui a grandit dans des conditions matérielles nouvelles. Au fur-et-à mesure que la contestation enfle, le son rock se durcit à l’image de celui émis par la guitare électrique de Jimy Hendrix à Woodstock (1969).

Les évolutions musicales de cette époque reflètent donc les tensions sociales de l’Amérique des Sixties. La guerre du Vietnam est au cœur de ce processus. Une autre guerre se joue dont les armes sont les instruments de musique, les paroles des chansons, les notes interprétées par des artistes engagés. Cette guerre musicale est l’autre versant de la guerre du Vietnam. D’ailleurs, en Indochine, la bataille des ondes a lieu également. La radio AFVN assure la programmation des émissions écoutées par les GI’s tout en exerçant une censure musicale à l’encontre de ces protest songs. Cette guerre musicale est aussi une guerre de modèles de société. Deux chansons peuvent illustrer cet affrontement : Sloop John B des Beach Boys et Blowin’ In The Wind interprétée par Joan Baez. Elles ont marquée l'histoire de la chanson.


Portes Jacques, Les Etats-Unis et la guerre du Vietnam, Bruxelles, Editions Complexe, 2008, 398 p.

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