lundi 28 avril 2008

Maurice Binder, créateur de génériques

Maurice Binder (1925-1991) est un graphiste qui débute sa carrière dans la publicité avant de devenir un créateur de génériques de film. Par son talent, il a su donner aux génériques ses lettres de noblesse dans la création artistique.

Deux rencontres ont compté dans sa carrière. D’abord, en 1958, avec Stanley Donen, le réalisateur de Chantons sous la pluie. Ensemble, ils travailleront sur de nombreux films : Indiscrétions, Charade, Voyages à deux. Puis celle avec Harry Saltzman, un des producteurs de James Bond contre le Dr No, qui lui demande de créer un générique spectaculaire pour le film. Il décide alors de montrer l’Agent 007 à travers un canon de révolver. Pour réussir cet effet, il filme l’intérieur du canon à l’aide d’une caméra miniature. Il réalisera tous les génériques de la série jusqu’à Licence To Kill de John Glenn (1989) à l’exception de ceux de Bons baisers de Russie (1963) et de Goldfinger (1964) pour lesquels il sera peu impliqué.

Il a aussi réalisé les génériques pour des cinéastes internationaux tels que Roman Polanski (Repulsion, 1965), Roger Vadim (Barbabella, 1968), Bernardo Bertolucci (Le dernier empereur, 1987), Vittorio De Sica (Caccia alla volpe, 1966), Franco Zifferelli (Hamlet, 1990)…

Conception et graphisme au service d'un talent toujours en vogue…


James Bond contre le Dr No de Terence Young (1962)

Two For The Road (Voyage à deux) de Stanley Donen (1967)

Charade de Stanley Donen (1963)

lundi 21 avril 2008

Recompositions politiques en Italie

Lors des élections générales des dimanche 13 avril et lundi 14 avril 2008, les Italiens ont voté dans un contexte de crise institutionnelle et de difficultés économiques & sociales. Malgré une campagne politique atone, le taux de participation est demeuré élevé (près de 80%) comme lors du précédent scrutin de 2006. La droite est sortie victorieuse offrant ainsi pour une troisième fois la présidence du Conseil à Silvio Berlusconi. L’issue du scrutin révèle néanmoins un paysage politique en pleine recomposition.

La réforme électorale de 2005 semble avoir favorisé une simplification partisane à droite comme à gauche. La jeune république italienne repose sur un bicamérisme paritaire offrant à la Chambre des députés (Camera dei deputati) et au Sénat (Senato della Repubblica) les mêmes pouvoirs. Gouverner devient difficile, voire impossible si la majorité aux deux chambres n’est pas de la même couleur politique.

Afin d’assurer une stabilité gouvernementale, une modification du mode de scrutin a été opérée en 2005. Un système mixte, combinant suffrage universel proportionnel avec prime à la majorité a été instauré pour l’élection des membres des deux chambres.

La prime majoritaire consacrant la victoire de la coalition arrivée en tête des suffrages suppose des alliances électorales très larges, finalement peu favorables à des majorités stables, comme peuvent en témoigner les résultats des élections générales de 2006 et les difficultés du gouvernement Prodi.

Les conséquences de la réforme de 2005 peut-être accentuées/accélérées par la dernière crise institutionnelle qui a conduit à la démission du gouvernement Prodi (février 2008) ont poussé les acteurs politiques à élaborer de nouvelles stratégies électorales. D’une certaine manière, une volonté de rationaliser le paysage politique par la mise en place de structures partisanes fortes a donc vu le jour. Elle prend la forme d’une américanisation de la vie politique italienne d’abord impulsée par Silvio Berlusconi dès ses débuts en 1994, processus aujourd’hui également intégré par la gauche suite au pari de Walter Veltroni.

En novembre 2007, Silvio Berlusconi dissout Forza Italia et la Maison des Libertés pour fonder le Peuple de la Liberté (PDL), véritable instrument de reconquête du pouvoir. Il poursuit son œuvre de modernisation de la droite italienne commencée il y a quinze ans. Introduisant les techniques du marketing politique, l’ancien magnat des médias a progressivement insufflé un nouveau style à la vie politique italienne : concepts simples, langage clair et direct, compréhensible de tous, des campagnes ponctuées de meeting à l’américaine.

En radicalisant le débat, ce communicateur de talent a contribué à la bipolarisation du système politique. "Il Cavaliere" s’est imposé comme le leader du centre droit occupant un espace politique laissé vide par la disparition de la Démocratie chrétienne. Avec Forza Italia, Silvio Berlusconi s’est érigé en unique rempart face à la gauche. Ce leadership au sein de la droite s’est accru en fondant le PDL. Pendant la campagne, l’ancien président du Conseil a construit l’image politique d’un homme capable d’éviter le naufrage de l’Italie. Son dynamisme apparent, son image toujours vivace d’entrepreneur à succès, son discours posé contrastant avec la violence verbale de la campagne de 2006, ainsi que les sacrifices nécessaires annoncés donnant une tonalité quasi christique à sa candidature ont su convaincre les Italiens. Si la victoire d’avril montre la capacité du "Cavaliere" à rassembler son camp, la création du PDL illustre également son ambition à être élu futur Président de la République italienne.

A gauche, l’initiative est liée à Walter Veltroni qui a entrepris une modernisation de la gauche. En octobre 2007, l’ancien maire de Rome a pris la tête d’un nouveau parti, le Parti démocrate (PD), fusion des Démocrates de gauche (ex-communistes) et de la Marguerite (ex-démocrates-chrétiens de gauche). Il a définit son parti comme n'étant "pas de gauche mais réformiste, de centre gauche", plus proche du modèle américain ou de la "troisième voie" blairiste que du socialisme européen : "Un Parti démocrate américain à l'italienne." (M. Van Renterghem, Le Monde, 12/04/2008). Le leader de la gauche réformatrice a parié sur une rupture avec la gauche radicale Cette fin de l’alliance traditionnelle et ingérable des formations de gauche qui a précipité la chute du gouvernement Prodi a également contraint Silvio Berlusconi à réduire de son côté ses alliances à droite, ouvrant une voie vers un bipartisme assurant de rendre l’Italie gouvernable.

L’ancien maire de Rome incarne une génération qui tente de rénover la gauche depuis l’effondrement du communisme. Au lycée, Walter Veltroni suit une spécialisation en technique du cinéma et de communication et entre au PCI pour manifester son opposition à la guerre du Vietnam. Chargé de la communication du Parti, il apprend à devenir ce grand communiquant qui le conduira à participer à la transformation progressive du PCI, à siéger comme ministres dans les gouvernements Prodi avant d’administrer la capitale de l’Italie, véritable tremplin pour une carrière nationale.

Pendant toute la campagne, Walter Veltroni n’a pas caché sa passion pour l’Amérique. Admirateur des Kennedy et soutien d'Obama, le parti de l’âne constitue le modèle qui a inspiré le leader de la gauche réformatrice célèbrant "le vent nouveau qui souffle de l'Amérique" et "les idées démocrates capables de réunir la croissance économique et la lutte contre la pauvreté". L’organisation de sa campagne s’est inspirée de celle de Bill Clinton en 1996 qui avait alors parcouru les Etats-Unis en bus. Walter Veltroni a donc sillonné avec un autocar vert les 110 provinces italiennes à la rencontre des Italiens, de meeting en meeting, déjeunant parfois chez l’habitant. Le slogan "Si puo fare" (oui, on peut le faire) reprend le "Yes we can", du candidat américain à l'investiture démocrate de 2008, Barack Obama. Par cette reprise, Walter Veltroni a voulu s’imposer comme le seul candidat du changement. Si le temps a probablement manqué au PD pour se démarquer nettement dans l’opinion du PDL, la défaite électorale ne doit pas masquer les avancées dans la recomposition de la gauche lancée par Walter Veltroni. Ce dernier est parvenu à imposer un parti fort sans coalition, le PD, éliminant tous les petits partis désormais coulés par la réforme du mode de scrutin de 2005.

Il faut enfin préciser que les deux partis ont tenu compte d'une opinion publique très remontée contre la classe politique, en accordant plus de place à des candidats issus de la société civile, en rajeunissant et en féminisant leurs listes. L'âge moyen est de 44,5 ans pour le PD et de 48 ans pour le PDL. S'il n'y a qu'une femme pour trois candidats à droite, la proportion approche les 50 % à gauche. (J.-J. Bozonnet, Le Monde, 19/03/2008)

L’alternance et la bipolarisation caractérisent désormais la démocratie italienne. Les résultats ont consacré la victoire de la droite qui succède à la gauche au pouvoir. Deux grandes formations dominent l’échiquier politique : le PDL à droite, et le PD à gauche. Ce scrutin accompagne la disparition de la très grande majorité des petites formations du Parlement. Désormais, le PSI, présent depuis la fin du XIXe s. et le PCI n’y siègent plus. Si les petits partis de la gauche radicale ont coulé, à droite, le succès électoral de la Ligue lombarde ne présage pas une direction sereine des affaires pour le prochain gouvernement Berlusconi, notamment pour la gestion du dossier concernant l’avenir d’Alitalia.

Bibliographie :

- ATTAL Frédéric, Histoire de l’Italie de 1943 à nos jours, Paris, A. Colin, 2004, 416 p.

- LAZAR Marc, L’Italie à la dérive. Le moment Berlusconi, Paris, Perrin, 2006, 156 p.

vendredi 11 avril 2008

The Graduate & les "événements de 1968" au grand écran

Les « événements de 1968 » ne limitent pas à la contestation étudiante parisienne. Au cours des années 1960 et 1970, de Berkeley à Tokyo, d’Amsterdam à Mexico, de Rome à Madrid et Varsovie, la jeunesse du monde entier se soulève pour protester contre la guerre du Vietnam, contre la division bipolaire du Monde, contre l’ordre ancien.

Mulitforme, la remise en cause de l’ordre établi émerge aux Etats-Unis au tout au long des sixties pour finir en 1972. La « révolte des campus » prend naissance en Caroline du Nord et s’étend aux Etats du Sud. Des sit-in et manifestations sont organisés pour la défense des droits civiques, puis pour réclamer la fin des essais nucléaires, la liberté d’expression à l’Université, le respect des libertés civiques ou la neutralité envers le régime castriste. La contestation culmine à l’automne 1964 dans l’université californienne de Berkeley où le Free Speech Movement, notamment soutenu par Joan Baez, obtient un assouplissement des règlements universitaires relatifs aux droits d’expression politique sur le campus.

Le film de Mike Nichols est tourné dans ce contexte. Le succès est immédiat après sa sortie en décembre 1967. Le Lauréat est un film moderne qui a marqué une partie de la jeunesse américaine à la fin des sixties. Cette comédie anticonformiste révèle cette époque de tensions sociales entre deux générations, entre celle des parents et celle des étudiants… Marquant une génération de jeunes qui s’est identifiée au personnage central du film Benjamin Braddock, elle s’ancre dans son temps.

Le Lauréat raconte les aventures de Benjamin Braddock (Dustin Hofmann), un étudiant intellectuel, sportif et WASP, un peu paumé, inquiet sur son avenir, qui débute alors une liaison avec Mme Robinson (Anne Bancroft), la femme d’un ami et associé de son père. Mais Benjamin tombe amoureux d’Elaine (Katharine Ross), la fille de Mme Robinson. La mère, jalouse et dépitée, fait tout pour les séparer…

Le scénario traduit les changements au sein de la société américaine à la fin des années 1960. De nombreuses conventions sont enfreintes dans un film qui parle de sexe de façon inédite au grand écran. Le centre de l’histoire est celle d’un étudiant qui a eu une liaison avec la mère de la fille qu’il aime.

L’intrigue se déroule dans un quartier résidentiel paisible de classe moyenne aisée. Le contexte politique et social est peu présent dans le film. Pourtant, les téléspectateurs le connaissent lorsqu’ils assistent aux projections. Il s’agit de l’émergence d’une contre-culture grandissante dans les campus constituée autour de la politisation des universités, de la libération de la femme, de l’égalité entre les races et du pacifisme.

Ce contexte est écarté du film. Juste, une allusion à la « révolte des campus » est présente à travers les propos du propriétaire méfiant vis-à-vis de Ben recherchant à se loger à Berkeley, à travers les images du campus de l’université californienne de Berkeley où a culminé la contestation étudiante entre 1964-1965. La guerre du Vietnam et les autres événements sont évacués…

En revanche, le Lauréat témoigne des interrogations d’une partie de la jeunesse à la fin des sixties. Les jeunes de l’époque ne ressentent plus le besoin d’apprendre un métier dit convenable, conformiste. Ils ne veulent pas du legs de leurs parents ; ils veulent autre chose : la fin de la guerre, la libération sexuelle, une volonté d’expériences nouvelles, une volonté de changer le monde. Les questions posées par les jeunes sont différentes, nouvelles que celles des parents. La jeunesse est face à un avenir incertain. Le héro appartient à cette génération.

Le personnage de Ben Braddock incarne les évolutions de son temps. Lors de sa conversation avec son père dans sa chambre au début du film, il se demande s’il doit suivre la tradition familiale ou faire autre chose de sa vie. Le choc des générations est visible. L’interprétation sobre de Dustin Hofmann transforme le personnage de Ben timide en un homme courageux. Le physique de Dustin Hofmann proche de Monsieur Tout le Monde facilite l’identification du héro par le téléspectateur.

Elaine incarne aussi ces changements. Son arrivée à l’université de Berkeley transforme l’étudiante qui s’habille différemment, adopte une démarche et une attitude générale nouvelles. Mais elle n’a pas encore choisi entre les deux univers qui s’offrent à elle. Seul Ben peut la faire sortir du passéisme.

Mrs Robinson représente les aspirations des femmes de son temps qui veulent s’affranchir des conventions établies. Sauf qu’elle n’y est pas parvenue, peut-être sa fille… Elle porte un regard amère sur sa vie contrariée (pour ne pas dire gâchée) par une grossesse non désirée qui l’a contraint à arrêter ses études d’histoire de l’art, donc à renoncer à la vie active, au profit d’une vie bourgeoise.

La musique du film notamment composée par Paul Simon et interprétée par Simon & Garfunkel accompagne tous ces bouleversements. L’album de la bande originale du film est disque d’Or en 1968. La chanson Mrs Robinson est n°1 au hit parade pendant 4 semaines. Elle domine les Grammy Award de 1968, raflant les prix de disque de l’année, de meilleure interprétation pop chantée par un groupe et de meilleure chanson originale pour un film ou un programme de télévision. The Sound Of Silence est l’autre tube du Lauréat.

Le film montre bien la contestation du statu quo politique et social. Cette contestation s’enracine dans une contre-culture dont les modes d’expression circulent facilement d’un pays à l’autre et contribuent sans doute à cimenter pour une partie de la jeunesse une identité commune… à l’image des grands festivals de pop music rassemblant des milliers de jeunes comme celui de Woodstock en 1969 ou de certains films de l’époque ou récents…

Les « événements de 1968 » apparaissent au grand écran dans…

- Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni (1970) sur les troubles étudiants des années 1960 au cinéma.

- The dreamers (Les innocents) de Bernardo Bertolucci (2003) sur les événements parisien de mai 1968.

- La meglio gioventù (Nos meilleures années) de Marco Tullio Giodarna (2003) présente cette jeunesse contestataire dans l’Italie des années 1960-1970.

- Hair de Milos Forman (1979) sur le mouvement hippie et la guerre du Vietnam.

Bibliographie :

- ARTIERES P., ZANCARINI-FOURNEL M. (dir.), 68 une histoire collective, Paris, La Découverte, 2008.

- DREYFUS-ARMAND G., FRANK R., LEVY M.-F., ZANCARINI-FOURNEL M. (dir.), Les Anneés 68, Bruxelles, Complexe-IHTP-CNRS, 2000.

- SIRINELLI F., Mai 68, Paris, Fayard, 2008.

- « Mai 68 en débats », Parlement[s], n°9, avril 2008.

- Dossier « MAI 68 le monde tremble », L’Histoire, n° 330, avril 2008.

dimanche 6 avril 2008

Rome, capitale de la chrétienté

Basilique Saint Pierre, la coupole de Michel-Ange. Détail de l’intérieur. Photo personnelle 19 avril 2007.