lundi 12 mai 2008

Rome pendant les années de plomb

Le 9 mai 1978, Rome connaît l’une des pages les plus sombres de son histoire. Le corps d’Aldo Moro, ancien président du Conseil et artisan du compromis historique, est retrouvé sans vie après 55 jours de captivité dans le coffre d’une voiture, via Caetani, à mi chemin des sièges de la DC et du PCI. Images d'archives :

http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=DVC7808112201

Depuis la fin des années 1960, un mouvement social de grande ampleur secoue l’Italie. Dans ce contexte débute les années de plomb (fin des années soixante - début des années 1980), période où les luttes sociales se doublent d'une violence politique. La capitale de l'Italie est touchée par cette radicalisation extrême de la vie politique. L’affrontement entre l'extrême gauche et l'extrême droite est y particulièrement dur, le terrorisme marque longtemps la vie quotidienne. C'est à Rome que se déroule l'épisode le plus sanglant, symbole du climat de ces années de plomb : l'enlèvement d’Aldo Moro et son assassinat.

Juriste confirmé, professeur de droit à l'université « La Sapienza », ancien ministre, il est président du Conseil de cinq gouvernements de centre-gauche, de décembre 1963 à juin 1968, puis à nouveau de novembre 1974 à avril 1976. Mais jamais il ne parvient à diriger une coalition issue du Compromis historique. Il est un excellent médiateur, qui souhaite rapprocher son parti, la Démocratie Chrétienne (DC) du Parti Communiste (PCI). Sans une coalition entre les deux forces, le pays demeure ingouvernable.

Le 16 mars 1978, au lendemain des élections législatives, Aldo Moro se rend au Parlement, pour le débat d'investiture du nouveau chef de gouvernement, Giulio Andreotti. Doit être alors signé le « compromesso storico », un compromis historique qui accorde un droit de regard des communistes sur chaque action entreprise par le nouveau gouvernement.

Aldo Moro est accompagné par cinq gardes du corps. Le cortège arrive via Fani, un carrefour désert de Rome. Devant eux, une voiture freine brusquement. En surgissent des hommes déguisés dans des costumes de la compagnie aérienne Alitalia. Ils abattent les gardes du corps et emmènent le chef de la DC. Seuls deux témoins ont assisté à la scène qui n'a duré qu'une poignée de secondes. Leurs indications ne restent que très limitées.

Les ravisseurs attendent 48 heures avant de revendiquer leur acte. Il s'agit des Brigades Rouges, un groupe terroriste d'extrême gauche. Le samedi 18 mars, il laissent, dans une cabine téléphonique du centre de Rome, leur communiqué n°1 : Aldo Moro est détenu dans une « prison du peuple » et il sera jugé.

La police et l'armée mobilisent alors 30 000 hommes. Perquisitions, contrôles d'identités, barrages se multiplient mais les résultats sont nuls. Durant les 55 jours que va durer l'affaire Moro, ce sont les Brigades rouges qui mènent le jeu. Les terroristes alternent l'envoi de communiqués et les moments de silence. Des silences qui laissent la porte ouverte à toutes les hypothèses, brouillant ainsi les pistes de la police. Aldo Moro, la victime, va lui-même devenir acteur dans les prises de contact. Il écrit des lettres, beaucoup de lettres : au gouvernement, à sa famille et même au Pape. Il supplie l'Etat de répondre aux revendications des Brigades : à savoir, relâcher treize des leurs. Mais l'Etat doute de la véridicité de ces lettres. Pas la famille, qui réclame des négociations. En vain.

Le dernier communiqué des Brigades est daté du 5 mai 1978. La « conclusion » annonce une exécution prochaine. Le 9 mai, la police retrouve le corps d'Aldo Moro dans le coffre d'une voiture garée via Caetani. Le véhicule se trouve à égale distance du siège du parti communiste et de celui de la démocratie chrétienne… Dans l'après-midi, Francesco Cossiga, le ministre de l'Intérieur, donne sa démission. Les deux mois qui se sont écoulés ont démontré l'impuissance de sa police.

Le lendemain des funérailles d'Aldo Moro, sont organisées des élections partielles (il faut renouveler 816 conseillers municipaux). La démocratie chrétienne réalise alors son meilleur score jamais atteint. Plusieurs années après cet enlèvement, la lumière n'a jamais vraiment été faite sur les détails du rapt. Les procès, les interrogatoires se sont enchaînés. La veuve, Leonora Moro, a soutenu devant le juge que « ceux qui étaient aux différents postes de commande du gouvernement voulaient l'éliminer ».

Début février 2008, France 5 a diffusé un documentaire dans lequel, pour la toute première fois, est révélé officiellement que le gouvernement italien a sacrifié l'ancien premier ministre, séquestré par les Brigades rouges en 1978 (H. Artus). Chronique de la défaite des Brigades Rouges -empêtrées dans leur propre logique- autant que du tournant fatal de la crise italienne, le film d’Amara éclaire la seule ombre qui restait autour de la mort d’Aldo Moro.

Extraits de Les Derniers jours d’Aldo Moro documentaire d’Emmanuel Amara.

Bibliographie :

ATTAL F., Histoire de l’Italie de 1943 à nos jours, Paris, A. Colin, 1995.

BRICE C., Histoire de Rome et des Romains de Napoléon Ier à nos jours, Paris, Perrin, 2007.

Liens internet :

« Aldo Moro » in Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Aldo_Moro

ARTUS H., « Pourquoi le pouvoir italien a lâché Aldo Moro ? » in Rue89, 6 février 2008 : http://www.rue89.com/cabinet-de-lecture/pourquoi-le-pouvoir-italien-a-lache-aldo-moro-execute-en-1978

Documentaire :

Les Derniers jours d’Aldo Moro documentaire d’Emmanuel Amara (Sunset presse / France 5) - samedi 9 février 2008 à 13h55 - France 5.

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