vendredi 2 mai 2008

Les Romains optent pour l'alternance

Rome, place du Capitole : façade du palais sénatorial aujourd’hui la mairie de Rome et la statue équestre de Marc Aurèle (photographie personnelle, février 2003).


Si la victoire de la droite à Rome aux élections municipales de 2008 est un symbole assez fort, portant un coup dur au pari de recomposition de la gauche entrepris par l’ancien maire Walter Veltroni, elle n’en demeure pas moins un signe de bonne santé démocratique de la capitale italienne.

Le premier tour des élections administratives (élections municipales et provinciales) s’est superposé aux élections générales (députés et sénateurs) des 13-14 avril 2008 qui ont donné la victoire à la droite de Silvio Berlusconi. Le second tour des scrutins locaux s’est déroulé quinze jours après. Dans la Ville éternelle, le taux de participation du second tour de ces élections municipales s'est élevé seulement à 63% contre 73,5% au premier tour, selon l'agence Ansa. Les habitants de l’Urbs ont été nombreux à déserter la capitale à l'occasion d'un week-end ensoleillé.

A l’issue du scrutin, les Romains ont opté pour l’alternance à l’image des résultats des élections générales. Ils ont élu pour maire Gianni Alemanno offrant ainsi pour la première fois depuis l’instauration de l’élection au suffrage direct en 1993 le Capitole (c’est-à-dire la mairie) à la droite. La défaite est d’autant plus cuisante pour la gauche que les Romains semblent avoir ainsi désavoués leurs deux anciens maires Francesco Rutelli et Walter Veltroni.

La gauche romaine n’a pas su mobiliser son électorat déçu de l’alternance au niveau national et en raison du beau temps également. Il faut ajouter que le candidat en lice a déjà occupé le mandat de maire de Rome entre 1993 et 2001. Les Romains (vexés ?) n’ont peut-être pas voulu d’un maire capable d’abandonner une nouvelle fois son fauteuil pour des ambitions nationales. En effet, Francesco Rutelli, vice-premier ministre et ministre de la Culture dans le gouvernement sortant de Romano Prodi, a quitté sa fonction en 2001 pour conduire la campagne des élections générales de mars 2001 et porter les couleurs du centre gauche contre Silvio Berlusconi, tout comme Walter Veltroni, maire de Rome de 2001 jusqu’à sa démission en 2008 pour mener également la campagne de la gauche rassemblée autour du PD contre le PDL de Silvio Berlusconi aux élections générales d’avril.

Une question s’est peut-être posée aux habitants de la Ville éternelle : Francesco Rutelli pouvait-il faire mieux que lors de son précédent mandat ? Entre 1993 et 2001, il a mené une politique de relance de la capitale italienne, redorant son image au plan national. Une restauration du rapport de confiance entre les habitants et la mairie s’est progressivement opérée. Ancien écologiste, Francesco Rutelli a décidé de faire de Rome une vitrine pour le XXIe siècle. Un programme de lutte contre les problèmes de circulation, aujourd’hui partiellement résolu, a été établi. Les mesures phares ont été l’élargissement de la zone à trafic limité grâce à un contrôle électronique des entrées et des sorties qui a constitué une première européenne copiée ensuite par d’autres capitales, et une offre des transports renforcée et diversifiée (bus, tramways). Dans le contexte de l’organisation du jubilé de l’an 2000, l’Urbs s’est transformée en un immense chantier. La valorisation du patrimoine culturel (historique et artistique) a été une source de richesse et d’emplois. « La culture n’est plus seulement un héritage du passé, elle devient un facteur d’identité contemporaine » (Francesco Rutelli, 1999). Le nouveau dynamisme économique ne s’est d’ailleurs pas limité au seul secteur du tourisme (rapport Censis 2006). Ce renouveau de la capitale s’est prolongé sous son successeur Walter Veltroni.

Toutefois, l'insécurité a été, avec la crise du logement, le thème dominant des derniers jours de la campagne pour le second tour. Preuve que les préoccupations des Romains auraient évolué ces dernières années ? Depuis les années 1980, la capitale italienne est confrontée à des flux migratoires inédits, désormais en provenance majoritairement de l’étranger. En 2004, Ettore Scola réalise Gente di Roma et s’interroge sur les formes d’intégration et d’exclusion à Rome. Les rapports entre les Romains et les « extra-communautaires » (les étrangers) sont scrutés. Il en ressort que les Romains tolèrent assez bien ces communautés, non par intégration, mais par indifférence.

Augmentation de la proportion de la population immigrée, visibilité accrue dans la ville, mais évolution aussi dans la répartition des communautés présentes constituent une réalité à laquelle les habitants de la Ville éternelle sont confrontés dans une conjoncture de difficultés économiques et sociales. Les Roumains constituent désormais la première minorité (60 000 personnes, soit un tiers des immigrés romains [Brice, 2007]). Cette population roumaine est particulièrement visible en raison de la mendicité pratiquée par les enfants dans les rues.

L’actualité récente a ravivé certaines peurs. Deux viols commis entre les deux tours à Milan et à Rome pour lesquels sont poursuivis un Egyptien et un Roumain ont contribué à durcir la bataille opposant les deux candidats, la droite reprochant à la gauche son laxisme en matière de criminalité et d'immigration.

La droite a profité de ce contexte pour s’installer au Capitole. Le passé d’ancien membre militant postfaciste du nouveau maire, Gianni Alemanno, ancien ministre de l’agriculture sous Berlusconi II, ne menace en rien le fonctionnement de la démocratie à Rome. Toutefois, la récente déclaration du nouveau maire proposant d’armer la police municipale interroge sur la politique menée prochainement par la municipalité. La valorisation du patrimoine va-t-elle céder une partie de ses crédits face aux dépenses visant à la lutte contre l’insécurité ? La Fête internationale du Cinéma, véritable atout pour ancrer la Ville éternelle dans la mondialisation culturelle, n’est-elle pas menacée ? Sentiment renforcé suite à l’annonce de n’y présenter que des films italiens. Fille aînée du cinéphile Walter Veltroni, la Fête du cinéma a perdu son plus important défenseur à la tête du Capitole, d’autant que les nouvelles dates annoncées pour l’édition de 2008 la placent en concurrence directe avec les autres festivals mondiaux.

Bibliographie :

- BRICE C., Histoire de Rome et des Romains de Napoléon Ier à nos jours, Paris, Perrin, 2007.

- « La capitale de l’an 2000 », interview de Francesco Rutelli, in L’Histoire, n°234, juillet-août 1999, pp. 106-107.

Voir Post du 21 avril 2004 : Recompositions politiques en Italie.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Rome ne serait pas elle-même sans le pape et l'Eglise. J'imagine que l'impact doit être fort dans les élections locales. Depuis des siècles, Rome a un intérêt économique au maintien et à la prospérité du siège de saint Pierre. L'histoire des jubilés en témoigne; plus de détails ici, par exemple :

http://www.villemagne.net/site_fr/rome-origine-du-pelerinage-romain.php