mercredi 21 janvier 2009

UMP : Horizon 2012 (2/2)

Second volet de notre analyse des enjeux liés aux récents changements à la tête de l’UMP. Article publié sur contre-feux.com http://www.contre-feux.com/politique/ump-horizon-2012-22.php

Avec la nomination de Patrick Devedjian au gouvernement et la promotion de Xavier Bertrand à l'UMP, Nicolas Sarkozy marque son retour dans la vie politique intérieure. La reprise en main présidentielle et la volonté de construire l’avenir de l’UMP qui s’opèrent dans une conjoncture spécifique ont été présentées dans un précédent article. Deux autres enjeux doivent encore attirer notre attention.

Neutraliser les ambitions de Jean-François Copé

Pour l’heure, la nouvelle organisation de l'UMP permet au chef de l'Etat d'organiser la confrontation entre les trois pôles fondamentaux du pouvoir que sont le parti, le groupe à l'Assemblée nationale et le gouvernement et de permettre l'irruption de personnalités mal connues du grand public mais qui ont vocation à vite devenir de solides poids lourds de la majorité.

Ces grandes manœuvres ne sont pas innocentes. Elles cherchent certainement à assurer le maintien du camp sarkozyste à la tête de l’UMP en 2017. Si la limitation à deux mandats présidentiels inscrite désormais dans la Constitution permet de taire les divisions, la guerre des chefs risque de ressurgir au cours du deuxième éventuel et probable quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Le principal clivage rival au camp sarkozyste prend chaire en Jean-François Copé qui, à la tête du groupe parlementaire, se positionne au sein du parti et commence à rassembler autour de sa personne. Ce dernier n’a-t-il pas créé un club « Génération France » dans cette perspective ? Le maire de Meaux multiplie les antennes en province et assure qu'une bonne quarantaine de députés l'ont déjà rejoint. Jean-François Copé fait le pari de l'impossibilité pour l'UMP de se ressourcer et cherche à se rendre incontournable à l'extérieur du dispositif Sarkozy. Aussi, le retour de Xavier Bertrand sur les bancs de l’Assemblée nationale risque de neutraliser partiellement ses projets. En effet, l’ancien ministre du Travail fait le pari inverse du président du groupe UMP au palais Bourbon, cherchant à se rendre indispensable à Sarkozy à l'intérieur de son système. « Il faut montrer que l'UMP n'est pas le parti républicain ou démocrate à l'américaine qui ne s'intéresse qu'à la présidentielle », expliquait récemment celui qui a parfaitement compris ce que le Président attend : une pacification et une remise en état de marche de l'UMP.

Patrick Devedjian se targue d'avoir réussi à faire passer l'UMP d'«un parti de conquête du pouvoir, qui a parfaitement atteint son objectif avec l'élection de Nicolas Sarkozy» à «un parti de soutien aux réformes. Cette mutation pas très facile à faire, je crois qu'elle est faite». L’arrivée de Xavier Bertrand correspond à une période nouvelle pour l’UMP, imposée par la crise économique, avec pour perspective les prochains scrutins européen et régional à court terme, et présidentiel à moyen terme. Le nouveau secrétaire devra donc gérer à la fois les résultats électoraux et les courants tout en préparant 2012.

Vers une nouvelle culture politique à droite ?

Si Nicolas Sarkozy semble bousculer la culture politique à droite, cette observation mérite d’être nuancée. C’est dans la forme plus que dans le fond que les changements sont réels. Sur ce point, l’excellente thèse sur les mouvements gaullistes de 1958 à 1976 soutenue par Jérôme Pozzi (1) le 6 décembre 2008 à l’Université de Nancy 2 est assez éclairante.

Ainsi, le jeune historien rappelle que l’UNR (1958-1968) et l’UDR (juin 1968-1976) sont les partis du président. La culture gaulliste fait que le mouvement politique calque son fonctionnement sur le système institutionnel de la Ve République avec pour conséquence le refus d’une présidence du mouvement gaulliste au profit d’un poste de secrétaire général. Même si le secrétaire général est élu par les membres du comité central, la décision se prend en amont dans le bureau du chef de l’Etat (De Gaulle, puis Pompidou) qui est en fait le véritable président du parti. Par ailleurs, la vitalité du parti correspond aux campagnes présidentielles rarement pendant le septennat. Cette organisation partidaire possède à la fois ses avantages (efficacité, discipline, évite les courants et divisions, groupe parlementaire important) et ses inconvénients (difficultés à renouveler les idées et les hommes, démocratie interne très limitée). Les partis post-gaullisme, le RPR puis l’UMP, rassemblant gaullistes et libéraux, ont hérité de cette culture qui a marqué l’histoire des partis de droite sous la Ve République.

Nicolas Sarkozy tenterait-il de rompre avec cette culture ? Contrairement à ses prédécesseurs, l’ancien maire de Neuilly demeure président de l’UMP tout en exerçant sa fonction de chef d’Etat. Sa politique d’ouverture gouvernementale a remis en cause des idées établies. Mais quelles étaient ses intentions initiales ? Importer de la démocratie américaine la pratique bipartisane de gestion des affaires ou déstabiliser l’opposition en offrant à des élus socialistes des sièges au gouvernement ? Ou simplement briser les éventuelles oppositions venues de son camp ?

A l’UMP, l’arrivée de Xavier Bertrand est certes censée redynamiser le parti à la veille des scrutins européen et régional. Surtout, cette relance inédite à mi-mandat s’inscrit aussi dans le choix d’ouvrir un débat idéologique au sein du parti afin de dégager un programme pour les prochaines élections présidentielles. La crise économique réoriente la politique du gouvernement forçant le parti à réadapter son discours.

Toutefois, la continuité semble plutôt l’emporter. Ces changements à la tête de l’UMP traduisent la volonté de préparer la prochaine échéance présidentielle. Malgré la crise économique qui ne favorise pas la droite, la victoire de l’UMP s’avère possible avec les divisions de la gauche. En fait, par ce jeu des chaises musicales à la tête de l’UMP, Nicolas Sarkozy a annoncé officieusement sa candidature pour 2012.

(1) Jérôme POZZI, Les mouvements gaullistes de 1958 à 1976 : la diversité d’une famille politique, réseaux, cultures et conflits, thèse sous la direction de Monsieur le Professeur Jean El Gammal, Université de Nancy 2, 2008, 4 volumes, 1473 pages.

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