Par Charlotte Lepri, chercheuse à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). (IRIS, 7 mars 2008)
Alors que les primaires du Texas, de l’Ohio, du Rhode Island et du Vermont ont définitivement garanti à McCain la candidature républicaine, elles ont en revanche confirmé le déchirement des électeurs démocrates entre deux candidats d’exception. Le choix entre deux personnalités atypiques, qui, quoi qu’il en soit, constitueront toutes deux une évolution dans le paysage politique américain, est un des plus grands dilemmes que le camp démocrate ait eu à affronter.
Hillary Clinton partait grande favorite de cette élection, mais elle a été prise au dépourvu par l’ampleur du phénomène Barack Obama, inconnu il y a encore peu. Eloquent et charismatique, Barack Obama est parvenu en quelques mois à créer autour de lui une véritable dynamique entretenue par des militants très motivés, les médias et internet. En peu de temps, il a réussi à faire passer Hillary Clinton pour un symbole de l’establishment whashingtonnien alors qu’elle n’a, faut-il le rappeler, des fonctions d’élue que depuis huit années. Bien plus, la perspective d’élire une femme à la Maison Blanche, qui constitue déjà une avancée formidable des mentalités, a été « ringardisée » par la perspective de voir un jeune métis à la tête des Etats-Unis.
Depuis le Super Tuesday du 5 février dernier, Barack Obama accumulait les victoires et confirmait son « big momentum ». Il a bénéficié en outre d’un traitement bien plus favorable dans les médias, américains et étrangers, qu’Hillary Clinton. Mais, coïncidence fâcheuse pour Barack Obama, ce manque d’impartialité, cet engouement pour le Sénateur de l’Illinois, a été mis en lumière juste avant l’élection de mardi dernier. De plus, cette situation confirme que la position de « favori » n’est pas forcément un avantage et que les électeurs sanctionnent rapidement les excès de confiance dont peuvent faire preuve les candidats (Rudy Giuliani, Hillary Clinton et Barack Obama).
De fait, il est encore aujourd’hui impossible de prédire qui des deux candidats représentera le camp démocrate à l’élection présidentielle. Mardi dernier, Hillary Clinton a certes gagné trois Etats sur quatre, mais Barack Obama conserve toutefois son avance en termes de délégués. En effet, au choix déjà difficile qu’ont à faire les électeurs démocrates s’ajoute une particularité technique dans le décompte des voix. Contrairement aux primaires républicaines, où le candidat qui remporte le vote populaire remporte tous les délégués de l’Etat, la répartition des délégués démocrates se fait à la proportionnelle, rendant plus incertaine encore l’issue finale.
Si elle n’a pas totalement renversé la tendance, Hillary a toutefois su montrer sa ténacité et sa combativité. Ces qualités pourraient jouer en sa faveur auprès des quelques 800 Super-délégués qui pourraient être amenés à jouer un rôle décisif dans le choix du candidat en août prochain à la Convention nationale du Parti. Ces Super-délégués, qui ont la particularité de ne pas être élus et de ne pas être officiellement engagés en faveur d’un candidat particulier jusqu’à la Convention, sont des membres du Congrès, des gouverneurs, des anciens présidents et vice-présidents, des membres éminents du parti démocrate. Si aucun des candidats ne s’est clairement démarqué d’ici août prochain, alors les Super-délégués pourraient faire basculer l’élection primaire dans un sens ou dans un autre.
Une dizaine d’Etats n’ont pas encore tenu leurs primaires, mais cela suffira-t-il à faire émerger clairement le futur candidat démocrates ? Beaucoup en doutent. C’est donc une bataille de longue haleine qui attend Hillary Clinton et Barack Obama jusqu’en août prochain date de la Convention démocrate à Denver qui scellera le sort final du candidat démocrate. Dans les primaires à venir, chaque voix, chaque délégué, chaque Etat vont compter, et sans nul doute, cette guerre fratricide laissera des marques.
Reste le cas des Etats du Michigan et de la Floride, qui pourraient devenir la clé du scrutin. A eux deux, ces Etats représentent plus de 300 délégués, mais ces délégués sont pour l’instant exclus de la Convention démocrate et n’ont donc pas le droit de voter pour choisir leur candidat. Le Michigan et la Floride avaient en effet voulu, malgré l’opposition du Parti démocrate, avancer les dates de leurs primaires pour peser davantage et s’assurer une plus grande visibilité médiatique dans la campagne. Le vote dans ces Etats a en réaction été invalidé par le Parti. Or, Hillary Clinton est arrivée largement en tête dans ces deux Etats. L’élection étant très serrée entre les deux candidats, la décision de réintégrer ou non les délégués du Michigan et de la Floride pourrait renverser la donne, aux dépens de Barack Obama, qui avait décidé de ne pas faire campagne dans ces Etats. Si aucun compromis n’est trouvé pour décider du sort de ces délégués, il reviendrait alors à la commission d'accréditation de la convention nationale de Denver de trancher.
Dans cette primaire démocrate, le véritable gagnant est finalement John Mc Cain. Le candidat républicain, en qui personne ne croyait il y a encore quelques mois, est le principal bénéficiaire du duel interminable dans le camp démocrate. Il peut d’ores et déjà se lancer dans une campagne nationale, prenant ainsi une bonne longueur d’avance sur son futur concurrent.
Source : http://www.iris-france.org/Tribunes-2008-03-07.php3
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