samedi 9 octobre 2010

Blowin In The Wind par Joan Baez : le chant de la contestation (L'autre visage de la guerre du Vietnam 3/4)

Blowin’ In The Wind de Joan Baez : le chant de la contestation

La guerre du Vietnam a suscité un mouvement de protestation qui se propage au sein du mouvement étudiant dans les années 1960. La chanson a joué un rôle important dans cette protestation, à l’image du titre Blowin’ In The Wind notamment interprétée par Joan Baez dès 1964.

L’enlisement américain au Vietnam participe à la remise en cause de l’ordre établi qui émerge aux Etats-Unis au tout au long des sixties pour finir en 1972 et qui épouse des formes multiples.


Les jeunes américains ne ressentent plus alors le besoin d’apprendre un métier dit convenable, conformiste. Ils ne veulent pas du legs de leurs parents ; ils veulent autre chose : la fin de la guerre, la libération sexuelle. Ils expriment une volonté d’expériences nouvelles, une volonté de changer le monde. Les questions posées par les jeunes sont différentes, nouvelles par rapport à celles de leurs parents. La jeunesse est face à un avenir incertain.

La jeunesse se soulève pour protester contre la guerre du Vietnam, contre la division bipolaire du Monde, contre l’ordre ancien. La « révolte des campus » prend naissance en Caroline du Nord et s’étend aux Etats du Sud. Des sit-in et des manifestations sont organisés pour la défense des droits civiques, puis pour réclamer la fin des essais nucléaires, la liberté d’expression à l’Université, le respect des libertés civiques ou la neutralité envers le régime castriste. La contestation culmine à l’automne 1964 dans l’université californienne de Berkeley où le Free Speech Movement, notamment soutenu par Joan Baez, obtient un assouplissement des règlements universitaires relatifs aux droits d’expression politique sur le campus.

Le point d’orgue de cette contestation juvénile demeure le festival de Woodstock de 1969, ce rassemblement emblématique de la culture hippie. Jimi Hendrix y joue une version historique de The Star-Spangled Banner en solo, tout en distorsion, évoquant des lâchers de bombes au Vietnam. http://www.dailymotion.com/video/x81gse_jimi-hendrix-star-spangled-banner-w_music Country Joe s’interroge sur le sens de ce conflit dans Feel Like I’m Fixing To Die. Le refrain est repris en chœur par le public : Et, Un, Deux, Trois, Pourquoi on se bat ? / Ne me demander pas je m'en fous / Prochain arrêt : le Vietnam… (http://www.youtube.com/watch?v=LBdeCxJmcAo) The Doors, que leur chanson contre la guerre Unknown soldier (http://www.youtube.com/watch?v=czaF7tVTfN8) a propulsé au sommet en 1968, brillent par leur absence à Woodstock. 1969 est une année difficile pour les quatre musiciens. Leur quatrième album The Soft Parade est un succès, mais l'ambiance au sein du groupe est tendue et Jim Morrison est en plein procès pour atteinte à la pudeur, pour s'être déshabillé devant le public lors d'un concert à Miami. The Doors annulent tous leurs concert, dont Woodstock, et leur tournée européenne.

Ce désenchantement donne naissance à une contre-culture qui investit naturellement la sphère musicale. Il donne naissance aux protest songs (chanson de la protestation) puisant à la fois dans le rock, apparu dans les années 1950, et le folk, en plein renouveau. Au début des années 1960, le mouvement folk est déjà bien établi avec des artistes comme Bob Dylan ou Joan Baez touchant un public encre restreint mais fidèle. De nombreux interprètes folk sont étroitement lié au mouvement des droits civiques qui atteint son paroxysme avec des manifestations de masse contre la ségrégation dans les villes du Sud comme à Selma et à Birmingham. C’est dans ce contexte que Bob Dylan compose Blowin’ In The Wind en 1962. La chanson devient l’hymne du mouvement des droits civiques, le Civil Rights Movement, alors en plein essor. Bob Dylan, qui n’a que 22 ans en 1963, devient le héraut du folk-rock. Une légende vivante, malgré son jeune âge.

Après 1965, au moment où les Etats-Unis accentuent leur présence militaire en Indochine, artistes folk et stars du rock s’engagent alors contre le conflit vietnamien et apparaissent lors des rassemblements contre la guerre. Après son engagement dans les marches pour les droits civiques, la jeune Joan Baez affiche son désaccord avec la guerre au Vietnam. La chanteuse née en 1941 s'implique fortement dans ce combat en participant à de nombreuses marches anti-guerre, actions de protestations et concerts engagés. On peut citer la Fifth Avenue Peace Parade de 1966 à New York, ou encore, le concert gratuit de Joan Baez contre le conflit organisé en 1967 au Washington Monument à Washington par les Filles de la Révolution américaine. En 1967, elle est arrêtée deux fois pour avoir bloqué l'entrée du Armed Forces Induction Center d’Oakland en Californie.

L’interprétation de Blowin In The Wind par Joan Baez symbolise encore dans la mémoire collective cette contestation pacifique à la guerre au Vietnam. Certes la chanson n’a pas été écrite à l’origine contre ce conflit. D’ailleurs, la première et magnifique interprétation par le groupe Peter, Paul & Mary (1963) qui lui a assuré son succès populaire n’a rien d’engagé. http://www.youtube.com/watch?v=3t4g_1VoGw4 Ensuite, Bob Dylan réalise un enregistrement qui paraît dans l’album The Freewheelin (1963). Au total, entre 1962 et 1978, il l’enregistre six fois, en changeant le tempo, le rythme, l'intonation, la voix,... mais jamais les paroles. Puis, la chanson est régulièrement reprise par de nombreux artistes, notamment par Joan Baez, artiste engagée et un temps compagne de Bob Dylan.

Blowin' In The Wind est la première composition d'importance de Dylan, c'est également la plus célèbre des protest songs. Située dans un contexte de tension au Vietnam, du mouvement pour les droits civiques, la chanson ne fait pourtant allusion à aucun évènement particulier, ce qui contribue à la rendre intemporelle.

La chanson est constituée de trois strophes, chacune composée de trois vers. Chaque vers comprend une question, dont la réponse, toujours identique, constitue le refrain : « La réponse, mon ami, est portée par le vent, La réponse est portée par le vent. »

La brièveté du texte, ajoutée à la tournure interrogative, naïve du style, tend à souligner l'apparente simplicité de la réponse, indépendamment de la complexité des questions. Cependant, la réponse, vague, ne répond pas aux questions posées, claires et tranchées, et à l'aspect quantitatif bien marqué: il est seulement dit à l'auditeur où il peut trouver la réponse.

Inspiré d'un chant d'esclaves à ligne mélodique très simple, Bob Dylan compose cette chanson reprise par les 250 000 manifestants de la Marche sur Washington organisée par les leaders des droits civiques dont Martin Luther King qui y prononça son célèbre discours I Have a dream. L’âpreté du combat des défenseurs des droits civiques trouve un écho particulier dans la dernière strophe de la chanson. Dans cette même strophe, ne peut-on pas aussi lire la lutte menée par les partisans d’un retour à la paix.

Blowin' in the Wind (Bob Dylan)

How many roads must a man walk down
Before you call him a man?
Yes, 'n' how many seas must a white dove sail
Before she sleeps in the sand?
Yes, 'n' how many times must the cannon balls fly
Before they're forever banned?
The answer, my friend, is blowin' in the wind,
The answer is blowin' in the wind.

How many times must a man look up
Before he can see the sky?
Yes, 'n' how many ears must one man have
Before he can hear people cry?
Yes, 'n' how many deaths will it take till he knows
That too many people have died?
The answer, my friend, is blowin' in the wind,
The answer is blowin' in the wind.

How many years can a mountain exist
Before it's washed to the sea?
Yes, 'n' how many years can some people exist
Before they're allowed to be free?
Yes, 'n' how many times can a man turn his head,
Pretending he just doesn't see?
The answer, my friend, is blowin' in the wind,
The answer is blowin' in the wind.

Combien de routes un homme doit-il parcourir
Avant que vous ne l'appeliez un homme?
Oui, et combien de mers la blanche colombe doit-elle traverser
Avant de s'endormir sur le sable?
Oui, et combien de fois doivent tonner les canons
Avant d'être interdits pour toujours?
La réponse, mon ami, est portée par le vent,
La réponse est portée par le vent.

Combien de fois un homme doit-il regarder en l'air
Avant de voir le ciel?
Oui, et combien d'oreilles doit avoir un seul homme
Avant de pouvoir entendre pleurer les gens?
Oui, et combien faut-il de morts pour qu'il comprenne
Que beaucoup trop de gens sont morts?
La réponse, mon ami, est portée par le vent,
La réponse est portée par le vent.

Combien d'années une montagne peut-elle exister
Avant d'être engloutie par la mer?
Oui, et combien d'années doivent exister certains peuples
Avant qu'il leur soit permis d'être libres?
Oui, et combien de fois un homme peut-il tourner la tête
En prétendant qu'il ne voit rien?
La réponse, mon ami, est portée par le vent,
La réponse est portée par le vent.

Blowin' in the Wind est sans doute le point de départ d'une acceptation de la chanson de protestation auprès des médias, la première chanson de révolte moderne à être largement diffusée. Les paroles poétique et aérienne de Dylan peuvent se fondre en faveur de n’importe quel combat. La jeunesse lit dans les vers ses interrogations face à son avenir sans y trouver de réponse. La revendication d’un retour à la paix s’exprime aussi à travers ces strophes.

Avec l’escalade du conflit, la nature de la chanson de protestation évolue également. C’est l’époque de la contre-culture, du flower power et du festival de Woodstock. Le rock remplace le folk dans la culture de protestation et la contre-culture. Le ton se durcit.

C’est le rock psychédélique, inspiré par l'usage de drogues hallucinogènes et notamment du LSD (acid rock), des groupes tels San Francisco Jefferson Airplane chantant la révolution d'une génération dans Volunteers http://www.youtube.com/watch?v=6ljxpyH4dnA ou Grateful Dead. Ce genre musical se caractérise par une construction rythmique peu complexe et hypnotique, des mélodies répétitives et pénétrantes, des solos instrumentaux longs et tortueux, modelés d'effets sonores tels que la wah-wah et la distorsion, le tout dans des morceaux généralement assez longs.

Les protestations deviennent encore plus fortes après la mort de quatre étudiants lors d'une manifestation anti-guerre à Kent State, en Ohio, en 1970. Le groupe Crosby, Stills, Nash and Young écrit alors la chanson Ohio avec pour paroles : « Nixon et ses soldats de plomb arrivent / Nous avons enfin notre liberté de pensée / Cet été j'entends les tambours / Quatre morts dans l'Ohio » http://www.youtube.com/watch?v=a6irfBMm48g

Aussi, les débuts des négociations de paix entreprises par l’administration Nixon atténuent l’agitation dans les campus. L’une des dernières chansons de protestation contre la guerre au Vietnam de Joan Baez intervient après le bombardement d’Hanoï en 1972.

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